On parle d’un « apostolado », mot espagnol pour désigner une série de12 tableaux des disciples du Christ, avec en outre ce dernier. On a de nombreuses mentions de groupes de ce genre, ou plutôt on les regroupe à plaisir et de façon très subjective.
Pour les apôtres, je ne parlerai que de deux groupes que je distingue facilement.
Les Apôtres aux « cartellini »
Ce groupe comporte en bas de chaque peinture, sous le saint en buste , un « cartellino » avec le nom du saint en latin, sur un bout de feuille plus ou moins tordu pour « faire réel », comme pour la planche sur laquelle il est posé.
C’est ainsi pour Jacques le mineur (S. JACOBUS Mi, C p. 101 et n° 2). Je veux bien qu’il soit du « Maître » à cause de la simplicité et la netteté du dessin.
Plus mouvementé, le Saint Thomas du musée de Budapest (anc. coll. Esterhhazy. C n° 3, p. 103). C’est bien le même, réalisme, avec le geste de la main et la bouche entr’ouverte comme pour parler.
Apotres_Maitre Salomon ou Ribera_Cartel_Jean1.jpg
Je note tout de suite que le cartellino se retrouve sur le Saint Jean acquis récemment par le Louvre.
Par le Maître des « cartellini », il y en a un autre, un Saint Mathieu d’une collection privée, reparu récemment. Il correspond bien à la facture sage de cette série, avec sa barbe bien taillée en rond, Il regarde vers l’arrière. Le Nom est : MATHAEO. Manteau bleu léger, comme la tablette sur laquelle repose un livre (encore l’effet de trompe-l’oeil).
Pour cette deuxième série, les « apôtres Cussida » (autre nom de la famille Gavotti) je ne reprendrai pas toutes les oeuvres proposées (C p. 11O à 113).
Le cartellino est absent dans cette série, qui me parait bien plus originale et de style différent.
Les Apôtres Cussida
Le Saint Thomas, c’est le jeune homme du Jugement, avec une grande oblique évoquant la lumière tombant comme d’un soupirail, procédé caravagesque par excellence.
On retrouve cette lumière pour le Saint Barthélémy, vieillard à la tête complètement chauve qui regarde le spectateur, tenant de la main droite le couteau de son martyre, sa peau d’écorché évoquée discrètement une draperie jaune qui tombe en recouvrant sa main gauche.
On doit rapprocher pour le traitement extraordinaire de la lame celle d’Abraham s’apprêtant à égorger Isaac sur le fameux tableau de Caravage du Musée des Offices de Florence.
Plus extraordinaire encore, la hache dont a parlé Longhi, tenue à l’horizontale par Saint Mattias, dont le visage est traité de même en profil perdu, tandis qu’il s’enveloppe dans une draperie ocre formant capuchon, avec un cercle, de lumière, accompagné de la ligne circulaire d’un nimbe doré à peine visible.
On retrouve ce nimbe sur les deux précédents apôtres, et encore pour le Saint Paul au grand front dégarni (Ce dernier présente devant lui un papier froissé (trompe l’oeil raffiné) où je lis : PAULUS SER (Vus) IESU CRISTI.)
Le cinquième de la collection Longhi est un Saint Philippe (C fig 58, et p. 111 en bas à gauche). Son allure farouche s’accorde bien avec les quatre autres, et encore sans doute un Saint Jacques (C fig 56, col. privée), les deux autres de la page me paraissant moins convaincants.
Je renonce à aller plus loin pour tous les autres apôtres donnés en photo (le C fig. 57 est un Christ rédempteur).
Pour le Christ, on en a trouvé un dans l’église de Nivillac (dans le Morbihan (reproduit dans C fig 16, p. 41). Il est tout à fait faible et sans expression, en rouge et bleu.
Aparté sur les risques du systématisme
Quelle abondance, et on a eu raison de proposer plusieurs auteurs, en particulier pour les deux séries que j’ai distinguées, avec ou sans cartellino, ceux de l’autre série étant les plus violemment originaux. » Diviser pour régner « , Dieu m’en garde, mais l’annexion globale obtenue progressivement me choque, la conviction de l’inventeur allant en grandissant d’une étude de Papi à l’autre, depuis la découverte de 2002.
Je ne puis m’empêcher de penser à une historiette aveyronnaise… Jeune élève des Chartes, j’avais été chargé par mon professeur d’art médiéval Marcel Aubert d’aller consoler le chanoine Louis Bousquet (pas mon parent), auteur d’un livre sur le Jugement dernier de Conques. Il croyait avoir découvert que les scènes représentées dans l’Enfer correspondaient à des récits du « Livre des miracles » de sainte Foi. Ainsi, le chevalier tombant de cheval, iconographie classique pour évoquer l’Orgueil, était le seigneur d’Aubin, qui avait eu cette mort et il avait trouvé d’autres rapprochements pour les autres vices, de plus en plus tirés par les cheveux et pour lui de plus en plus convaincants.
Aubert n’y croyait guère, et moi non plus, mais le chanoine est resté sûr de lui, jusqu’à ses derniers jours. Lui n’avait convaincu personne, mais personne n’avait osé le critiquer.