Les gadgets à outrance, les placements produits intrusifs, les belles plantes qui ne servent à rien, les scènes d’action ininterrompues pendant 2 heures, l’humour flegmatique hors contexte et surtout la crédibilité totalement accessoirisée… ce n’est pas exactement mon truc au cinéma. La dernière fois que j’ai vu un James Bond dans une salle, c’était Die another day en 2002 avec Pierce Brosnan. La fois d’avant, c’était Rien que pour vos yeux en 1981 avec Roger Moore. J’avais prévu de bien respecter mon rythme en « dégustant » mon prochain James Bond en 2023.
Une invitation (dans la très belle salle de projection du Royal Monceau) et un ami (fan absolu de la saga) plus tard, je me suis retrouvé vendredi devant SKYFALL et là ça a été un choc. Dès la scène d’ouverture, je comprends que l’ambiance n’est plus aux gadgets. Dès le générique, je réalise qu’il peut se passer n’importe quoi dans les deux heures qui suivent, j’aurai connu les frissons du mariage parfait entre un excellent titre (d’Adèle) et la créativité des images. Jamais un générique ne m’aura autant bouleversé.
Il se trouve que les deux heures qui ont suivi m’ont scotché au siège devant un héros qui sait montrer ses faiblesses, comme j’aime, une réalisation de haute voltige par Sam Mendes qui sait définitivement diriger des acteurs, un Daniel Craig qui semble allier mieux que personne la force (muscles saillants) et les failles (yeux rougis, visage marqué), une James Bond girl française Bérénice Marlohe sculpturale, bouleversante dans une scène qui la voit basculer en un dixième de seconde de la force tranquille à la proie traquée, un méchant Javier Bardem peroxydé jamais ridicule et c’était pas gagné. Il y a ce talent de nous cueillir à chaque fois sur la façon dont le héros va se sortir de situations dont on ne peut pas se sortir.
Il reste bien sûr quelques scènes absolument non crédibles (avec notamment un métro dedans), des moments juste sublimement réalisés qui ne servent à rien dans l’intrigue (je pense en particulier à cette tour de Shanghaï à l’ambiance bleutée), des clins d’oeil aux fans de James Bond (sans doute un peu perturbés) que même un résistant comme moi voit passer en mode un peu lourdingue.
Sans être sensible à la mythologie James Bond, j’ai été embarqué tout en me demandant comment les accros pouvaient réagir devant un film aussi différent mais central dans la saga. A lire William et Cyrille, je comprends que les avis varient et que tout le monde s’accorde sur des longueurs que je n’ai pas vu. Mais moi, j’ai envie de remercier Mendès de m’avoir un jour fait plonger dans l’univers d’un héros qui m’avait jusque là tenu à distance.