C’est mitigée et pas indemne que je sors de cette lecture. Ce roman, bien qu’il s’agisse d’une autobiographie, est violent, accusateur, il est écrit avec mots qui ne laissent guère d’équivoque sur les relations familiales, en particulier entre l’auteure et son célébrissime père, Maurice Herzog, alpiniste émérite, vainqueur de l’Annapurna en 1950 et ministre du gouvernement De Gaulle.
Le titre, un héros, est dédié à Laurent, frère de Félicité, et implicitement à Maurice Herzog, ce père dominateur, séducteur, qui multiplie les conquêtes féminines, affabulateur, irresponsable… Qui ne lui a jamais dit ‘’ je t’aime’’.
‘’Toute ma vie, j’ai été dépossédée de mon père par les femmes. Le processus commença par les filles au pair, un lent manège d’Anglaises et d’Autrichiennes, qui apparaissaient puis disparaissaient sans explications. Lorsqu’il était à la maison, événement formidable, il passait le plus clair de son temps à étudier leur ballet avec une attention soutenue puis à répondre à leurs doléances jusqu’à la saison des soupirs, puis à celle des pleurs dont j’aurais pu calculer les cycles avec autant de précision que pour le calendrier lunaire.’’
Félicité est née d’une ruse maternelle. Sa mère voulait absolument faire un deuxième enfant pour donner un compagnon à son premier fils, Laurent, bien que son mariage fût déjà à son terme, un choix très lourd de conséquences.
Les deux enfants seront très tôt livrés à eux-mêmes. Elevés par leur mère Marie-Pierre, une intellectuelle frivole, fille du Duc de Brissac et de l’héritière Schneider, ils seront confiés à des nourrices et passeront toutes leurs vacances avec leurs grands parents, dans le château d’Apremont, au cœur d’une aristocratie désuète, hors du temps, mais ô combien bénéfique pour Félicité.
C’est donc seule, que cette petite fille grandira, face à un frère violent et fantomatique, que personne ne pressentira comme un danger potentiel.
Dans cette saga familiale, l’auteure démystifie son père, casse son piédestal, jette sa foudre sur cette superbe qu’elle hait, quant à sa mère, même si Félicité semble plus complaisante, le constat est sans appel, seul Laurent aura ses faveurs. Pourtant ce frère qu’elle aime et craint à la fois, deviendra cet être brisé par le désir d’excellence, fils de héros, et petit fils d’une lignée aristocratique, la barre est trop haute, il plongera dans les eaux sombres de la folie.
« Personne n’avait réagi. Aveuglement général : des parents, des fratries recomposées, des tantes, des curés, des copains, des professeurs, Laurent était passé entre toutes les mailles du système. » Il finira« vagabond des étoiles hirsute et fou »
Pour survivre, Félicité n’aura qu’une issue, l’exil.
J’ai beaucoup aimé ce roman. Drôle de vie que celle de cette ‘’Pauvre petite fille riche’’ pourtant face à cette diatribe et ces confessions intimes, je me suis sentie légèrement mal à l’aise,d’autant plus que ce livre est revendiqué comme une autobiographie.
Rassurez vous ça n’enlève rien à la qualité de cet ouvrage, l’écriture du roman est assez surprenante, très précieuse, un peu démodée, dans la lignée aristo, mais on se laisse porter par les mots et la lecture se poursuit, fluide, avec un intérêt croissant.
Aujourd’hui Maurice Herzog a 93 ans, et selon Félicité, c’était le moment de parler avant qu’il ne soit trop tard …
Comme je déteste finir sur une note grave, ALLEZ !! un peu d’humour !
L’argent ne fait pas le bonheur. C’est à se demander pourquoi les riches y tiennent tant.
Georges Feydeau
GAIA