Sylvie Assé
Samedi soir, 21 h, en maraude avec ActionFroid dans Paris. 4 voitures au départ et 12 maraudeurs en route vers les sans-abris là où ils sont, parfois là ou personne ne va au devant d'eux.
Autour du Canal Saint-Martin. Rencontre avec trois hommes. Les deux premiers n'ont « besoin de rien ». Le troisième accueille avec plaisir un bol de soupe, du pain et du fromage. Timidement, il demande si nous avons des chaussettes : il nous montre les siennes qui sont trempées ! Chance : nous avons reçu un don de 90 paires... Nous lui laissons aussi une couverture : il n'en a pas !
Gare de l'Est. Deux hommes blottis l'un contre l'autre accueillent avec plaisir la soupe et quelques denrées pour le lendemain. Nous leur trouvons des pulls. L'un n'a pas de chaussettes, l'autre un sweet sous un blouson de coton... Il fait 2° ! Nous parvenons là encore à les dépanner.
Un peu plus loin, sur un escalier, deux autres hommes à l'écart l'un de l'autre : l'un est noir, l'autre un blanc qui « n'aime pas les noirs »... Même là il y en a pour tenter d'exercer une sorte de « préférence nationale »... Enfin, on n'est pas là pour ça... Le premier à manqué le passage du SAMU social qui ne l'a pas vu. Un gros pull l'aidera à attendre de longues heures... Tous les deux acceptent avec empressement soupe pain et fromage.
Boulevard Magenta. Un groupe de quatre hommes se repose. Ils n'ont pas eu de vêtements propres depuis longtemps. Nous parvenons à assembler pour chacun d'eux une tenue quasi complète pendant qu'ils boivent leur bol de soupe. L'un d'entre eux est très âgé et en fauteuil roulant. Il ne parle pas un mot de français et semble beaucoup souffrir. Il refuse d'ailleurs tout aliment... Ses compagnons nous expliquent qu'il a été amputé des deux jambes il y a deux ans et qu'il est asthmatique. Ses moignons mal cicatrisés sointent et saignent par endroit. Il a de terribles escares et un gonflement anormal et douloureux au coude. Nous appelons le samu et rapidement, il est pris en charge par une équipe de la protection civile.
Beaubourg. Ils sont six, dont quatre d'origine étrangère, mais comprennent tous le mot « soupe » et l'ambiance se fait vite plus joyeuse dans le petit groupe. L'un d'entre eux émerge lentement de son sac de couchage... en tee-shirt ! Il n'a que ça... Distribution de chaussettes et de pulls. Nous n'avons malheureusement plus de gants... Plus de bonnets...
Un peu plus loin, un anglais. La soupe et un pull le contentent. Deux de ses voisins dorment profondément sous les abris de carton. Nous ne les réveillons pas...
A vingt mètres de là, quatre hommes dorment roulés dans leurs couvertures. La soupe est là encore appréciée. Ils demandent eux aussi des bonnet et des gants : encore une demande impossible à satisfaire...
Voilà pourquoi il est si urgent que chacun fasse une incursion dans ses placards et ses penderies et nous fasse don de ce qu'il peut pour aider ce qui n'en peuvent plus !
Voilà pourquoi il est urgent qu'en faisant vos courses vous pensiez à ajouter quelques denrées non périssables à nous confier !
Voilà pourquoi il est urgent que plus de personnes offrent une ou deux (ou plus) soirées du samedi pour nous accompagner en maraude afin d'élargir le périmètre de l'aide d'ActionFroid ou d'autres associations de maraudeurs !
Voilà pourquoi il est urgent que chacun fasse un petit (ou un gros) don partiellement déductible de ses impôts !
Parce que les sans-abris, les sdf et les exclus sont de plus en plus nombreux dans les rues. Parce qu'il est inadmissible que les laissés pour compte souffrent sans qu'on leur tende la main.