Magazine Cinéma

Névrose(s) de l’Amérique (polar mi-figue mi-raisin)

Par Borokoff

A propos de Paperboy de Lee Daniels ★★☆☆☆

Nicole Kidman - Paperboy de Lee Daniels- Borokoff / Blog de critique cinéma

Nicole Kidman

1969, Lately (Floride). Ward Jansen (Matthew McConaughey) et Yardley Acheman (David Oyelowo), deux journalistes du Miami Times, sont contactés par Charlotte (Nicole Kidman), une quadragénaire énigmatique et vulgaire qui écrit aux détenus condamnés à mort et s’est éprise de l’un deux, Hillary Van Wetter (John Cusack). Charlotte est en fait persuadée de l’innocence d’Hillary, accusé d’avoir tué en l’éventrant le shérif raciste du comté. Flairant la bonne affaire, et pourquoi pas un Prix Pulitzer à la clef, les deux journaleux (« paperboys » en anglais) acceptent de reprendre l’affaire, totalement bâclée en son temps. C’est aussi l’occasion pour Ward de retrouver son jeune frère, Jack (Zac Efron), livreur de journaux qui va tomber fou amoureux de Charlotte en même temps qu’il guidera les deux journalistes entre la prison de Moat County et les lugubres marais de Floride, infestés de crocodiles…

Adaptation d’un roman éponyme de Pete Dexter (sorti en 1995), qui a co-participé à l’écriture du scénario avec Lee Daniels, Paperboy est un film qui mélange les genres. Le film est raconté en voix-off et en flash back – plusieurs années après les faits – par Anita (excellente Macy Gray), la bonne noire qui a élevé Jack et son frère. Drame intimiste, Paperboy décrit les relations distantes entre deux frères très marqués par la mort de leur mère. En même temps que Jack découvre l’amour et le sexe, il réalise que sa passion pour Charlotte est condamnée à l’échec. Son passage à l’âge adulte passera par une initiation cruelle et amère aux plaisirs de la chair.

Matthew McConaughey, Zac Efron - Paperboy de Lee Daniels- Borokoff / Blog de critique cinéma

Matthew McConaughey, Zac Efron

Paperboy est aussi un polar sur fond de ségrégation raciale, dans un décor et un cadre politiques qui rappellent sans cesse le racisme des Blancs envers les Noirs dans les années 1960 aux Etats-Unis. C’est dans ce contexte qu’évoluent nos deux « journaleux » opportunistes et peu scrupuleux de connaitre la vérité sur la culpabilité réelle ou non d’Hillary. L’affection qu’éprouve Jack pour Anita n’empêche pas des relents racistes de lui remonter et de lui échapper, comme si ils étaient plus forts que lui.

Paperboy laisse une impression mitigée. Seule certitude, le thriller de Lee Daniels n’est pas aussi réussi que Precious, dans un autre genre. Le point fort de Paperboy tient dans la description de ses personnages, tous hauts en couleurs et névrosés, de Ward qui cache son homosexualité à Yardley qui déborde d’ambition au point d’avoir renoncé à toute déontologie. Charlotte n’est pas mal non plus en fausse blonde aux allures de call-girl sortie de nulle part. Quant à Jack (très bon Zac Efron), c’est la victime par excellence, le benjamin innocent mais sacrifié. Alors, certes, ces personnages sont tirés à gros traits, mais dans le foisonnement du roman de Dexter, il fallait bien trancher, faire des choix pour adapter le livre au cinéma. C’est ce que Daniels a fait, en choisissant la caricature.

Seul hic, c’est que Daniels n’est pas Tarantino. Sa mise en scène est trop lente, pas assez enlevée ni à la hauteur de ses délirants et névrosés personnages. Elle manque de (changements de) rythme, ce que confirme la répétition des musiques soul du film. Peut-être la matière romanesque de Paperboy, le livre, était-elle trop dense, comportait-il trop de thèmes, d’aspects et de personnages différents pour permettre une adaptation réussie au cinéma.

Car si Paperboy traduit assez bien l’ambiance moite des marais et la crasse des gens qui y vivent, il lui manque cette dimension poisseuse et noire qui existe par exemple chez les personnages torturés et si difficiles à cerner, si ambigus et névrosés de James Ellroy. L’adaptation de Le Dahlia noir (2006) par Brian de palma était assez réussie au passage. Mcc Conaughey incarne à nouveau un personnage obscur et inquiétant. Mais tout aussi tordu et dingue qu’Hillary, son personnage traumatisé, plein de zones d’ombres et de secrets, aurait mérité davantage de folie dans la mise en scène…

http://www.youtube.com/watch?v=7fDV8AdlPPM

Film américain de Lee Daniels avec Matthew McConaughey, Zac Efron, Nicole Kidman, John Cusack, Macy Gray et David Oyelowo (01 h 48).

Scénario de Pete Dexter et Lee Daniels d’après le roman de Pete Dexter : 

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Mise en scène : 

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½
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Acteurs : 

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Dialogues : 

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Compositions de Mario Grigorov : 

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