Peu de nos compatriotes savent que, depuis quarante ans, se développe dans les pays anglophones un mouvement dit «de libération animale» qui se veut l’héritier des mouvements anti-esclavagistes, antiracistes et féministes. Alors que chez nous, les droits de l’homme sont opposés à ceux de l’animal, ils sont là-bas considérés comme complémentaires et, dans les universités nord-américaines, on enseigne la philosophie environnementale, l’éthique animale et le droit animalier.
Est-ce, chez nous, un reliquat de la tradition rurale et du cartésianisme qui niait la pensée et la souffrance animales ? Pourtant, les connaissances scientifiques, en particulier en éthologie, ont démontré que cette vision est erronée et dépassée. Darwin a mis un siècle pour percer dans notre pays mais tout homme cultivé sait que l’homme a une origine animale et qu’à peine plus de 1% de notre ADN nous différencie des chimpanzés. Cela ne signifie pas que nous sommes semblables mais que nous en sommes très proches morphologiquement et aussi psychologiquement.
Il ne faut pas désespérer puisque cette année l’agrégation de philosophie a ajouté dans son programme la relation homme - animal. Les politiques sont en retard sur les citoyens qui se désintéressent de plus en plus de ces loisirs de mort. Claude Lévi-Strauss qualifiait d’« humanisme dévergondé » cette opposition entre l’homme et l’animal. Il estimait que nous avions créé une frontière artificielle qu’il a suffi de déplacer pour inclure, dans la catégorie des êtres inférieurs, ceux que nous voulions exploiter sans problème de conscience, que ce soit la femme, le juif, le Noir ou l’animal.
Pierre Jouventin
Auteur de : «Kamala, une louve dans ma famille»
Responsable de l'équipe « Écologie comportementale » au CEFE
& du programme ETHOTAAF de l'Institut Polaire. http://kamala-louve.fr/
Source : Libé