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Alcool au volant ou derrière le volant ?

Publié le 28 octobre 2012 par Veritejustice @verite_justice

Alcool au volant ou derrière le volant ? Alcool au volant: Pour éviter d’être déclaré coupable, l’accusé devra faire face, sur le plan tactique, à la nécessité de présenter des éléments de preuve tendant à prouver que ce risque intrinsèque de danger n’était pas réaliste dans les circonstances particulières de l’affaire.

Par Vérité Justice

Mise en situation

Vous sortez d’une soirée bien arrosée et vous savez pertinemment que votre taux d’alcoolémie dépasse la limite de .08 permise par la loi. Vous constatez qu’il fait froid à l’extérieur et décidez de partir votre voiture afin de vous réchauffer le temps qu’un accompagnateur ou même un taxi vienne vous prendre pour rentrer à la maison.

Êtes vous coupable ?

Selon un jugement récent rendu par la Cour Suprême il semble que non! Un jugement qui forcera les policiers et tribunaux à élargir la définition d’alcool au volant.

[1] Donald Boudreault était trop ivre pour conduire — et le savait — quand il a dû quitter l’appartement de Danye Dubois, qu’il avait rencontrée la veille dans un bar. Il a donc demandé à cette dernière de lui appeler un taxi, ce qu’elle a fait, à non pas une, mais deux reprises.

[2] Tenu de sortir après le deuxième appel téléphonique, M. Boudreault a décidé d’attendre dans sa camionnette plutôt que dehors, dans le froid mordant et le grand vent. Pendant qu’il attendait le taxi, M. Boudreault a démarré le moteur et mis du chauffage. Il n’a jamais tenté de mettre le véhicule en mouvement ni avant l’arrivée du taxi, ni après, évidemment.

[3] Le taxi est finalement arrivé, quelque 45 minutes après le premier appel téléphonique, et 20 à 25minutes après le second. Le chauffeur a trouvé M.Boudreault endormi derrière le volant. Son état d’ébriété n’était guère surprenant : sans cela, il n’aurait pas appelé de taxi.

[4] Au lieu de réveiller M.Boudreault pour le reconduire chez lui, le chauffeur du taxi a appelé la police.

[5] M. Boudreault a été arrêté et accusé d’avoir la garde ou le contrôle d’un véhicule à moteur (1) lorsque sa capacité de conduire était affaiblie par l’effet de l’alcool et (2) lorsque son alcoolémie dépassait 80 mg d’alcool par 100 ml de sang, des infractions décrites aux al. 253(1)a) et b) du Code criminel, L.R.C. 1985,

ch. C-46 (« C. cr. »).

[..]

[23] Selon le juge Daoust de la Cour du Québec, en l’absence de risque que le véhicule à moteur soit mis en mouvement, le tribunal ne peut conclure qu’il y avait garde ou contrôle au sens où il faut l’entendre pour l’application du par. 253(1) du C. cr. À son avis, en l’espèce, il n’y avait aucun risque de ce type : en effet, même s’il était ivre, M. Boudreault savait ce qu’il faisait et avait pris toutes les précautions nécessaires. Ses expériences antérieures lui avaient appris combien il est grave de conduire avec les facultés affaiblies. Il avait un plan concret et fiable pour rentrer chez lui. Et, finalement, la preuve a établi que son plan lui aurait effectivement évité de conduire — c’est le chauffeur du taxi qu’il avait lui-même fait appeler qui l’a dénoncé à la police.

[..]

[35] Exiger qu’il existe un risque « réaliste » constitue un critère peu rigoureux conforme à l’intention du législateur de prévenir le danger pour la sécurité publique. Par contre, exiger un risque qui ne serait que « possible en théorie », un critère trop peu rigoureux, emporterait la criminalisation injustifiée d’une foule de comportements bénins.

[..]

[38] À tout le moins, la présomption doit s’interpréter ainsi : la personne trouvée ivre derrière le volant d’un véhicule ne sera pas pour cette seule raison déclarée coupable d’en avoir eu la garde ou le contrôle si elle convainc le tribunal qu’elle n’avait pas l’intention de mettre le véhicule en mouvement. Le juge en chef Dickson l’a clairement dit dans R. c. Whyte, [1988] 2 R.C.S. 3, p. 19 : « [o]n ne peut dire que la preuve de l’occupation de la place du conducteur entraîne inexorablement la conclusion que l’élément essentiel de la garde ou du contrôle existe. . . ».

[39] Autrement dit, aux termes de l’al. 258(1)a), la preuve qu’une personne s’est enivrée volontairement conjuguée à celle qu’elle occupait volontairement la place du conducteur ne permettent pas à elles seules d’établir la perpétration de l’infraction de « garde ou [de] contrôle » décrite au par. 253(1) du C. cr. Il faut autre chose et, selon moi, il s’agit d’un risque réaliste de danger pour autrui ou pour un bien.

[..]

[41] Un risque réaliste que le véhicule soit mis en mouvement constitue un risque réaliste de danger, cela va de soi. Ainsi, l’intention de mettre le véhicule en mouvement suffit à elle seule à créer le risque de danger que vise l’infraction de garde ou de contrôle. Par contre, l’accusé qui convainc le tribunal qu’il n’avait pas pareille intention ne sera pas forcément acquitté. En effet, la personne trouvée ivre, assise à la place du conducteur et capable de mettre le véhicule en mouvement — même sans en avoir l’intention à ce moment-là — pourrait néanmoins présenter un risque réaliste de danger.

[42] En l’absence d’une intention concomitante de conduire, il peut survenir un risque réaliste de danger d’au moins trois façons. D’abord, une personne ivre qui, initialement, n’a pas l’intention de conduire peut, ultérieurement, alors qu’elle est encore intoxiquée, changer d’idée et prendre le volant. Ensuite, une personne ivre assise à la place du conducteur peut, involontairement, mettre le véhicule en mouvement. Enfin, par suite de négligence ou d’un manque de jugement ou autrement, un véhicule stationnaire ou qui n’est pas en état de fonctionner peut mettre des personnes ou des biens en danger.

[..]

[49] L’accusé peut échapper à une déclaration de culpabilité, par exemple, en présentant des éléments de preuve selon lesquels le véhicule à moteur était hors d’état de rouler, ou positionné de telle sorte qu’il n’y avait pas de circonstances raisonnablement concevables dans lesquelles il aurait pu présenter un risque de danger. De même, l’utilisation d’un véhicule à une fin manifestement innocente ne saurait emporter la stigmatisation d’une condamnation criminelle. Comme l’a fait remarquer le juge en chef Lamer dans l’arrêt Penno : « la loi ne manque pas totalement de souplesse et ne va pas jusqu’à punir la simple présence dans un véhicule à moteur d’une personne dont la capacité de conduire est affaiblie » (p. 877).

[..]

[53] Par exemple, même s’il ne fait aucun doute que le taxi allait finir par arriver, la présence de l’accusé qui était ivre à la place du conducteur sans excuse valable ou explication raisonnable peut, à elle seule, convaincre le tribunal que « son jugement [pouvait être] si affaibli qu’[il] ne p[ouvait] prévoir les conséquences possibles de ses actes » : Toews, p. 126, citant de nouveau R. c. Price, p. 384. L’inverse n’est toutefois pas nécessairement vrai. Même s’il était probable que le taxi arrive à un moment donné et que l’accusé occupait la place du conducteur avec une excuse valable ou une explication raisonnable, le juge du procès peut tout de même être convaincu hors de tout doute raisonnable qu’il persistait un risque réaliste de danger dans les circonstances.

[..]

[56] Enfin, après avoir appliqué le bon critère juridique à la preuve admise, le juge du procès a conclu à l’absence, à quelque moment que ce soit, de tout risque que M. Boudreault mette intentionnellement son véhicule en mouvement. Je le répète, même si elle peut sembler discutable, voire déraisonnable, pour certains, cette conclusion de fait n’est pas sujette à révision en appel.

Pour lire l’intégral de la décision rendue: Cliquer ici

Mise en garde Journal de Vérité Justice

Je tiens à apporter mon grain de sel à la présente affaire en soulignant que le présent jugement ne donne pas l’autorisation d’être en boisson à l’intérieur de notre voiture, d’y mettre le chauffage et de rester là pénard à attendre que nos taux d’alcoolémie baisse afin de reprendre la route mais qu’il faut prouver que nous n’avions pas l’intention de mettre le véhicule en mouvement.

Dans cette affaire ce qui a sauver notre ami fut le fait qu’il avait demandé un taxi non le fait que le véhicule n’a pas bougé!

Un jugement qui risque de faire jaser et qui forcera surement le législateur à définir l’endroit ou peut être assise une personne ayant dépassée la limite permise dans un véhicule.

Au volant, sur le siège du passager ou en arrière ?

Un conseil, ne pas imiter ou tenter de reproduire la situation!


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