Un numéro de Po&sie; consacré au Japon

Par Etcetera

Le numéro 100 de la revue Po&sie date du deuxième trimestre 2002 et est consacré à la poésie japonaise contemporaine.
Ce numéro célébrait le vingt-cinquième anniversaire de cette revue.

Dans cet épais ouvrage – plus de trois-cents pages – il est assez difficile de trouver de bons poèmes … mais non impossible.
On est loin ici des haïkus et des tankas – la forme privilégiée étant celle du long poème en vers libres, ou du poème en prose.

Ce numéro de Po&sie présente environ vingt-cinq poètes japonais contemporains, nés entre 1919 et 1959, souvent influencés par la poésie française avant-gardiste du début du XXème siècle (surréalistes en particulier), voire par celle de la fin du XIXème (Lautréamont, Rimbaud, …)

J’ai retenu trois poèmes dans  cette revue – tous les trois du même poète :

Shuntarô Tanikawa (né en 1931)

Les humains sur une petite boule
dorment se réveillent et travaillent
et parfois ils voudraient bien des copains sur Mars

Les Martiens sur une petite boule
ce qu’ils font je ne sais pas
(font-ils dordor révévé trarava ?)
mais parfois ils voudraient bien des copains sur Terre
c’est tout à fait certain

La gravitation universelle
c’est la force d’attraction des solitudes

L’espace cosmique est déformé
c’est pourquoi tout un chacun cherche quelqu’un d’autre

L’espace cosmique gonfle de plus en plus
c’est pourquoi tout un chacun est inquiet.

Une solitude de deux milliards d’années-lumière
ça me fait éternuer malgré moi

LE POISSON D’OR

Un grand poisson dans sa bouche grande ouverte
Avale un poisson moyen qui avale à son tour
Un petit poisson
Puis celui-ci en avale un plus petit
Il faut qu’une vie se sacrifie
A l’éclat d’une autre vie
Le bonheur s’épanouit
Quand le malheur le nourrit
Même si la mer est profonde si la mer est joyeuse
Il s’y mêle à coup sûr
La goutte d’une larme

REMARQUES PERSONNELLES SUR LA CENDRE

Même les blancs les plus purs n’ont jamais été parfaitement blancs. Dans le blanc immaculé restent cachés des points noirs microscopiques, qui constituent d’ores et déjà la structure même de la couleur blanche. On se rend compte que le blanc est loin d’être hostile au noir, mais que la nature même du blanc est de porter le noir au jour et de lui donner vie. Dès son premier moment d’existence, le blanc est voué au noir.
Cela dit, bien qu’il passe par les diverses étapes harmonieuses du gris, le blanc ne cesse d’être blanc jusqu’au moment où il se changera en noir. Même s’il est contaminé par des attributs censés contraires à ceux du blanc, l’ombre, l’absence d’éclat, le caractère absorbant de la lumière, etc. , le blanc brille toujours sous le masque du gris. C’est en un clin d’oeil que le blanc périt. En un instant, il disparaît complètement, et le noir fait ensuite son apparition. Cela dit …
Même les noirs les plus purs n’ont jamais été parfaitement noirs. Dans la matité du noir se cachent, juste comme les gènes, des points blancs microscopiques, qui constituent d’ores et déjà la structure même de la couleur noire. Dès son premier moment d’existence, le noir est voué au blanc …