Dans L’herbe des nuits, son dernier roman, on devine la figure de Ben Barka, celle des truands qui l’ont kidnappé, de Georges Boucheseiche que Modiano appelle, au détour d’une conversation Rochard, mais dont il nous dit qu’il peut être le propriétaire de l’Unic hotel, hôtel dont était justement propriétaire Boucheseiche (voir ici), et dont on se demande, à voir ses photos, s'il ressemblait vraiment au personnage du roman.
Il y a plus agaçant : ces souvenirs qu’on ne partage pas et qui intriguent. Y a-t-il jamais eu un jardin rue de Rennes, il où est aujourd’hui le Monoprix? Je n’en ai aucun souvenir. Quant à ces numéros de téléphone qui parsèment ses livres, les invente-t-il ou les trouve-t-il dans l’un de ces vieux annuaires qu’il semble tant affectionner?
Tout cela dans une sorte de mise en abîme discrète puisqu’il s’agit d’une histoire de faux papiers qui auraient été fournis à une certaine Dannie dont on devine qu’elle a été la maîtresse du narrateur. Dannie, prénom ambigu puisqu’il pourrait s’agir d’un diminutif d’Annie, dont on apprend, mais est-ce une surprise? qu’elle s’appelle en réalité Mireille Sampieri, soit le nom même d’une maitresse de Lafont, le chef de la Gestapo française. Ce ne peut évidemment être un hasard même si les dates ne concordent pas vraiment.
Si Modiano donne le sentiment d'écrire toujours un peu le même livre, il donne à ses lecteurs le même plaisir qui n'est pas sans rapport avec celui que l'on prend lorsque à essayer de résoudre des intrigues sans enjeu.