Comme suite à ma note sur les chiffres du monde de l'édition, je voudrai ajouter ces quelques information, glanées dans la presse. C'est simple, les chances de se faire publier pour un "primo", sont infimes, 0.05 % seulement. Comme pour devenir une "star" du monde du spectacle, les places sont rares. Seuls les meilleurs verront le jour se lever. L'on voit trop de manuscrits qui racontent des histoires de famille, des vie creuses, des "à peu près" qui ne passionnent que les protagonistes et leurs auteurs. Le public des lecteurs veut qu'on le fasse rêver, qu'on sollicite son imaginaire, qu'on le fasse réfléchir, ou qu'on l'informe ; pas qu'on le saoul de mots creux et vides de sens pour lui. Le lecteur a besoin dans sa recherche livresque, que l'auteur le transporte dans son univers, de sentir les ambiances, de s'émouvoir avec les personnages, de pourvoir s'identifier à eux, ou de les détester pour au besoin mieux les aimer ensuite…
Le nombre de livres publiés croît sans cesse mais le nombre de candidats à l'écriture croît plus vite encore. D'où l'importance du tri des manuscrits. Existe-t-il des critères objectifs pour séparer le bon grain de l'ivraie, distinguer l'écrivain du non-écrivain? Editeurs et lecteurs de maisons d'édition s'expliquent.
Eté comme hiver, c'est l'avalanche. En 1999, 4 500 manuscrits ont été envoyés par la poste aux éditions Gallimard, 2 500 chez Minuit, 1 000 chez Lattès, 3 000 chez P.O.L, 2 000 chez Phébus, 3 500 chez Flammarion. Quant aux éditions Grasset, elles ont reçu 60 textes par semaine, et la maison Albin Michel 50 par jour! ... Les chiffres sont vertigineux et n'ont cessé de croître au fil des ans. Il y a dix ans, la plupart des éditeurs recevaient deux fois moins de manuscrits. Lorsqu'on sait qu'en moyenne un manuscrit sur deux mille est publié, c'est-à-dire que 99,9% de la prose postée est renvoyée accompagnée d'une lettre de refus et 0.05 % sont acceptés,
Comme s'il suffisait de s'asseoir devant son écran pour être un écrivain ou d'adopter la typographie des éditions Gallimard pour se retrouver en librairie!
«Beaucoup écrivent de manière primaire, sans avoir la moindre idée de ce qu'on appelle un style et des ressources qu'offre la langue.» «Ils nous envoient leurs manuscrits au hasard, sans jamais être entrés dans une librairie pour regarder qui fait quoi.»
Chez tous les éditeurs, la première étape, la lecture au tri, élimine en effet 90% des manuscrits. Soit qu'ils n'aient rien à faire dans cette maison (de la poésie chez Albin Michel, un roman gore chez Gallimard, les Mémoires de ma grand-mère chez Minuit), soit que leur indigence saute aux yeux «de la même façon qu'une croûte se voit au milieu de toiles de maîtres».
Cette lecture, rapide et professionnelle, dure de trois à dix minutes par manuscrit. Il est donc possible d'écluser l'arrivage dans la journée. Les manuscrits refusés sont ensuite mis à disposition tandis qu'une lettre type est envoyée à l'auteur au terme d'un délai de décence d'un mois ou deux. Son énoncé est à peu près toujours le même: «Malheureusement, il n'a pas paru que votre ouvrage fût susceptible de trouver sa place dans la programmation actuelle de notre maison...»
Que deviennent les 10% de manuscrits mis de côté»? Soit la maison est dotée d'un comité de lecture qui rassemble dix à quinze personnes triées sur le volet (Pdg, éditeurs, auteurs, journalistes plus rarement), réunies soit chaque semaine soit chaque mois, pour être consultées sur les futures publications. C'est ainsi chez Gallimard, Le Seuil, Grasset ou Albin Michel. Après avoir été d'abord confiés à des lecteurs maison ou extérieurs (payés en moyenne... 300 francs le manuscrit, rapport de lecture compris), 5% des manuscrits sont présentés au comité. Là, dans le plus grand secret, les sommités discutent (ou non), demandent (éventuellement) une nouvelle lecture et rendent leur décision, puis grenouillent (ou non) dans les couloirs pour plaider la cause de tel ou tel.
Si le préposé au tri des manuscrits assume entièrement seul la responsabilité du refus net et définitif, la décision de publier, elle, est en principe collégiale et fait suite à deux, trois, voire quatre avis de lecteurs. Leur ordre de mission est partout le même: après lecture, ils rédigent un rapport bâti en deux points: résumé du texte et avis critique, le tout en une ou deux pages dactylographiées. Ce qui donne par exemple: «Les intentions de X restent obscures. Qu'entend-elle raconter? La seconde partie manque de force. La tension dramatique s'en ressent. Il faudrait resserrer cette partie et renoncer à certaines digressions balbutiantes.» Ou encore, dans un autre genre: «Peut-être suis-je atteint d'une raideur pathologique de la mâchoire mais je n'ai ressenti, au cours de cette lecture, aucune contraction zygomatique. J'ai simplement éprouvé quelques difficultés respiratoires - à cause de la longueur des phrases (aucune ne dépasse dix mots) - une sorte d'asthme stylistique.»
Au Dilettante: «Un écrivain se reconnaît lorsqu'on le lit. On a envie de tourner la page. Ce qui importe, ce n'est pas le beau parler. C'est l'existence d'un univers, la force d'une personnalité.» par Catherine Argand, Lire, février 2000 (extraits de l'article)
Dans le secteur livre, la BNF enregistre désormais plus de 62 000 titres déposés chaque année, tandis qu’Electre a vu passer 53 500 nouveautés en 2005. Le différentiel est de l’ordre de 10 000 titres, mais c’est certainement une estimation basse de la matière noire échappant aux circuits de diffusion traditionnels. Par nature, ces titres fantômes sont tirés à si peu d’exemplaires qu’une fraction n’est pas déclarée au dépôt légal. Le volume annuel d’invendus est de l’ordre de 110 millions d’exemplaires, chiffre bien sûr à actualiser pour 2006. La fraction qui échappe au pilon est réputée infinitésimale, bien que le chiffre exact soit difficile à approcher... Si l’on considère uniquement les grands éditeurs (soit une centaine de maisons publiant au moins une nouveauté par semaine) et si l’on examine le sort des manuscrits soumis par des auteurs totalement inconnus, le taux de rejet semble se situer entre 70 et 99,97 % avec une moyenne de 98 %. Source Marc Autret