Il est déraisonnable de compter sur le retour de la croissance pour viabiliser les comptes publics, et utiliser les hausses d’impôts pour réaliser l’ajustement est économiquement toxique.
Par Augustin Landier et David Thesmar.
Article publié initialement sur le site du Cercle Les Échos, reproduit avec l'autorisation des auteurs.
En choisissant de rester inflexible sur l'objectif annoncé, le gouvernement a souhaité envoyer un double signal, aux marchés et à la BCE. Or, un signal n'est crédible que lorsqu'il est clair qu'il ne s'agit pas de paroles en l'air, c'est-à-dire lorsqu'il est coûteux de l'émettre. Si la psychorigidité du gouvernement sur le symbolique objectif de 3 % est rationnelle, c'est précisément parce qu'elle fait mal et démontre la volonté de mettre fin à plus de trente ans de laxisme budgétaire. Cela signifie aux marchés que le dogme de l'infaillibilité de la dette publique est maintenu pour ce qui est de la signature française ; et cela permet par substitution à la BCE d'assouplir sa propre rigidité dogmatique, garante de son capital principal, la crédibilité (puisque la politique fiscale accepte d'endosser le rigorisme). Le risque non négligeable de voir la France recatégorisée dans le clan des économies périphériques, pour lesquelles la trajectoire de remboursement est très incertaine, a pu être évité. Prendre des libertés avec la rigueur, cela aurait fortement exposé le pays à ce risque.
En revanche, les modalités de l'ajustement, qui passent très majoritairement par les hausses d'impôts sont économiquement toxiques. Une étude récente de trois économistes italiens montre qu'ajuster les déficits par la baisse des dépenses a des conséquences négatives nettement plus faibles et moins durables sur la croissance que des hausses d'impôts.
Refuser de poser en début de mandat la question d'un cap et d'une méthode pour baisser les dépenses aura donc été l'une des décisions les plus préjudiciables qu'ait prises le gouvernement Hollande. Il est déraisonnable de compter sur le retour de la croissance pour viabiliser les comptes publics. Sur cette donne fondamentale, les politiques ne peuvent pas grand-chose : les innovations technologiques contemporaines changent nos vies, mais elles créent peu d'emplois.
Il est donc urgent de définir une méthode crédible de baisse des dépenses. Il faut le faire tant que la légitimité conférée par l'élection n'est pas loin. Sous peine d'être naïve, cette méthode doit prendre en compte les contraintes électorales et le pouvoir des lobbies. On se rappelle l'échec du gouvernement précédent qui, en sollicitant l'administration pour trouver des économies intelligentes, avait inefficacement transformé les ministères concernés en lobbyistes des subventions qu'ils distribuent... Le processus n'avait abouti qu'à quelques milliards de coupes budgétaires. Il faudra donc au gouvernement affirmer des choix. Les coupes devront prioritairement porter sur les retraites et dépenses liées au vieillissement, seul moyen de réduire la dette publique qui ne pèse pas sur la croissance. En retardant ces ajustements, on commet une faute qui coûte très cher à la collectivité. En ce sens, c'est effectivement de la mauvaise austérité que fait le gouvernement.
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Article publié initialement sur le site du Cercle Les Échos, reproduit avec l'autorisation des auteurs.