Un lecteur du blog me pose la question suivante:
"Bonjour, je vous écris car je trouve très intéressants les livres parlant de la vision sans tête, surtout qu'il m'est arrivé ce genre de chose, il y a longtemps déjà, mais ça n'avait duré que quelques minutes même si certains effets avaient perduré quelque peu. Je me souviens d'une joie intense et en même temps d'avoir eu l'impression d'avoir retrouvé - momentanément, je le sais maintenant - le paradis perdu, sans doute ce que les maîtres zen appellent le retour à l'état normal.
Ma question est la suivante. D'après votre expérience par exemple, en quoi cette immersion dans la vision sans tête, lorsqu'elle commence à fleurir, apporte-t-elle un changement de perspective ou une sérénité dans le cas de souffrances physiques importantes?
Si vous pouvez me réprondre brièvement ou me laisser les coordonnées d'ouvrages répondant à cette question, ce sera recçu avec gratitude.
Bien à vous."
Bonjour
Oui il s'agit du retour à l'état normal; voir sa vraie nature consiste à cesser de s'emprisonner dans un corps, dans des pensées. Il s'agit de revenir au centre et de cesser de se voir à partir des yeux des autres, de la périphérie. Il ne tient qu'à vous de prendre conscience maintenant de la vacuité à partir de laquelle le monde est vu. Regardez simplement le vide au-dessus de vos épaules; ne créez rien d'artificiel; ne faites rien; soyez juste atttentif à l'espace clair et transparent.
Quant à la douleur physique, la vision sans tete ne promet pas une vie sans douleur physique, sans mal de dents, sans cancer...Mais vivre la douleur en étant identifié au corps augmente le désarroi en rajoutant une douleur psychique à celle du corps. L'ego pense :"Je ne veux pas souffrir, je veux que cela cesse, pourquoi moi, c'est injuste...etc". Tout ce commentaire mental accroit la souffrance en doublant la douleur en quelque sorte.
En voyant sa vraie nature, plus personne ne prend en charge cette douleur; elle apparait dans l'espace sur un fond immuable et il devient plus facile de l'accepter, de lui dire oui. Vous êtes alors beaucoup plus vaste que la douleur; ne devient-elle pas une décoration, une couleur de l'espace?
Je dis qu'il devient plus facile de l'accepter ; je ne dis pas que cela est facile. J'ai moi-même suffisamment connu la souffrance physique pour savoir que c'est dans ces moments qu'il peut devenir plus dur de rester centrer sur la vacuité.
Mais ces moments de douleur peuvent aussi être une opportunité pour voir notre vraie nature. Sans qualifier ce qui est ressenti, sans la nommer "douleur", il y a une sensation pure. Et cette sensation jaillit aussi dans l'espace vide. Elle est pure vibration de la conscience, expérience singulière, êtreté étonnante.
Enfin, dans la douleur physique, l'ego n'en peut plus, il est faible, désarmé, nu; il ne peut faire face; à ce moment on peut voir sa véritable face; l'immense vacuité nue et accueillante. Les difficultés de l'individu, de l'ego sont les opportunités de l'un, du grand.
Amitiés
jlr