La pire date du monde – Guillaume Rouan

Publié le 26 octobre 2012 par Pointofview @ptofvw

J’avais réussi à choper deux places pour une projection privée d’un magazine hippie hype parisien ; l’occasion parfaite pour mettre une date.

À Paris, on fait avec les moyens du bord et c’est toujours moins chiant qu’une journée sous la pluie à Deauville pour regarder la mer couleur dépression. Une fille avait mordu à l’hameçon, je la connaissais depuis longtemps. On est allé trainer et boire des bières dans un bistrot branché, on était mardi il n’y avait pas beaucoup de monde, c’était agréable, on s’est raconté nos vies qui se résumaient à nos boulots respectifs.

Je n’étais pas super en forme et je faisais des efforts pour ne pas lâcher le fil des discussions et balancer quelques nouveaux sujets. Il était l‘heure d’aller manger, on était tout près du cinéma et du passage avec tous les restaurants indiens. On a négocié dans 2, 3 restaurants pour avoir le prix du menu du midi, on a opté pour un restau avec une médaille sur la devanture. Meilleur restaurant indien 2001, je n’avais pas fait gaffe que ça fait presque 12 ans. On a pris un menu complet et assez cher, les samossa étaient horriblement secs et la viande hachée ressemblait à des croquettes pour chats effritées. J’ai regardé l’heure on était pas en avance du tout, le plat principal est arrivé et nous avons du le manger en 5 minutes chrono. J’ai mélangé tout le riz avec la sauce et j’ai tout enfourné en me brulant l’œsophage tellement le plat était épicée. Ma date, un peu gênée m’a imitée parce que je commençais à la stresser. On a pas eu le temps de manger le dessert, j’ai tiré la fille par le bras et nous avons couru avec 20 minutes de retard vers le cinéma. Nous avons été accueillis par une armée de coupes de cheveux hitlériennes. J’ai donné nos noms et nous sommes rentrés dans le cinéma blindé. On a essayé de trouver des places en vain. Seuls des bancs en bois sur le coté permettaient de s’assoir, je suis allé chercher des bières en vitesse. C’était de grandes bouteilles d’une marque dont le nom sonnait comme grolle. Quand le film a commencé les ennuis ont suivis.

Les menus indiens avalés trop vite commençaient à se rebeller, mon ventre faisait beaucoup de bruit et la bière n’a rien arrangée Des rots sortaient par mon nez et des effluves de curry s’en échappaient, mon voisin a commencé a me regarder dégouté du coin de l’œil. J’ai jeté un regard inquiet sur la fille elle se tortillait sur son siège pour essayer de contenir ses pets. D’être assis sur le côté n’arrangeait rien, on avait super mal au cou. Les courts métrages s’enchainaient sans queue ni tête, un mec sur un vélo n’arrêtait pas de pédaler, il commençait à sévèrement me les briser. Des gens avaient abandonné et dormaient la bière à la main. Au bout de longues heures le calvaire a pris fin, on est sorti dans la rue un peu groggy. J’avais mal partout, on a échangé quelques paroles jusqu’au métro où on s’est assis face à face. Puis on a arrêté de parler. Le trajet m’a paru interminable. Elle est sortie quelques arrêts avant moi. Les adieux ont été brefs.

Et on était que mardi.

Guillaume Rouan

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