Dans l'oeil du Gabian / Françoise Laurent

Par Bibliomanu
Si Gérard, dit Gégé pour les intimes, comptait couler des jours paisibles pour sa retraite, c'est... disons... plutôt raté. Ça ne s'annonçait déjà pas forcément évident avec les triplées que son fils Arthur et sa belle-fille Capucine ont eu l'immense bonheur d'accueillir en ce bas-monde. Non pas que ça l'impressionne les batteries de couches, les batteries de cuisine ni même les batteries de pleurs. Tout ça, après tout, n'est qu'une question d'organisation. Et puis en ce week-end pascal au Grau Roi, on se laisserait facilement aller à l'indolence : beau temps, barbecue en marche, petit vin frais, la famille, l'ami Jean-Baptiste qui accueille tout ce beau monde chez lui.
Bon, il est pas en grande forme l'ami Jean-Bapt. L'Education Nationale vient de le mettre à pied parce qu'il aurait giflé un marmot tout disposé à le faire sortir de ses gonds, histoire que les copains immortalisent l'instant avec leur téléphone portable. Mais qu'à cela ne tienne, tout ce beau monde est prêt à passer un bon petit moment, loin des remous du quotidien.
Et cela aurait pu être le cas si... si les gabians évoluant à proximité n'y étaient pas allé eux aussi de leurs concerts de cris, des cris motivés par un morceau de viande qu'ils se disputent. Tant et si bien que la pitance en question tombe dans le plat comme un cheveu sur la soupe. Mais voilà, en guise de cheveu, c'est d'une oreille humaine qu'il s'agit, ornée d'un anneau. Arthur le reconnaît aussitôt. Il appartient à Denis qu'il a, en médecin qu'il est, ausculté pas plus tard que la semaine dernière. L'appétit n'est plus de mise, sauf peut-être pour Gégé, prompt à écouter son estomac en toutes circonstances...
Quelle belle surprise que cet œil du Gabian Dès les premières pages, le ton est donné, on est clairement dans le registre de la comédie policière. Le lecteur pénètre dans la tête de Gégé, suit l'évolution de ses tracas, des ses embarras, de ses envies, de ses doutes. Ça part dans un sens, ça s'arrête brusquement à l'amont d'une pensée, emprunte d'autres directions. Et quelles directions, serait-on tenté de dire... C'est drôle, enlevé, nourri de personnages hauts en couleur dont on savoure le verbe et la gouaille.