Mon édito pour Médiavox hier
Vous ici, fidèles du Cri du peuple le savez, l’Algérie est ma seconde patrie, au sens quasi propre de « terre d’où vient le père ». Peu importe que ce soit mon beau-père en l’occurrence. J’ai donc, comme plusieurs millions de Français et plus encore d’habitants de ce pays, un lien étroit, viscéral à cette terre rude et si belle. Où je n’ai jamais mis les pieds, pour diverses raisons que la pudeur et la volonté d’y aller un jour m’interdisent d’exposer ici. Bref.
Les liens entre nos deux pays sont forts. Et parfois tendus. Ainsi, Christian Estrosi, député-maire de Nice, a lancé à l’issue d’un discours prononcé le 20 octobre : « Vive l’Algérie française ! » Venant d’un membre du parti héritier du gaullisme, j’en reste sans voix. Le « motodidacte » vient juste de pousser le cri de ralliement de l’Organisation Armée Secrète, l’OAS de sinistre mémoire. Celle qui a co-fondé le Front national, aux côtés du tortionnaire Le Pen. A toutes fins utiles, voici ce que déclare l’intéressé au quotidien Combat le 9 novembre 1962 : « Je n’ai rien à cacher. J’ai torturé parce qu’il fallait le faire. » Donc, Christian Estrosi avoue trahir le gaullisme pour mettre ses pas dans ceux du Front national.
Il s’explique cette saillie par son refus d’accepter que le 19-Mars soit reconnu comme la fin de la guerre d’Algérie. Y allant par là d’un couplet sur « l’œuvre civilisatrice de la France avant 1962 ». De cette œuvre, de sa réhabilitation, il en est question côté gouvernement. M. Le Drian, ministre de la Défense, propose de transférer les cendres du général Marcel Bigeard, ordonnateur de torture en Algérie, au mémorial de Fréjus. Ce mémorial est sensé rendre hommage aux combattants d’Indochine, une autre guerre de décolonisation dont la France ne saurait s’enorgueillir.
Il ne s’agit certes pas d’un symbole aussi violent que le transfert de ses cendres aux Invalides imaginé par le regrettable Gérard Longuet. N’en reste pas moins que l’éventuelle présence des restes de Bigeard dans un monument de la République constitue une offense à toutes les victimes. Qu’elles soient algériennes ou françaises. Bigeard porte leur sang sur les mains, ses mains qui caressent notre mémoire.
Le 17 octobre 2012 avec Danielle Simonnet (gauche) et Martine Billard (au centre)
Dans ce contexte, je me suis rendu à la manifestation organisée, chaque année, à la mémoire des victimes des massacres du 17 octobre 1961. Ce jour-là, sous les ordres du préfet de Police Maurice Papon - oui, celui auquel vous pensez ! -, au moins 200 Algériens d’Île-de-France ont été assassinés. Plus de 10 000 autres seront arrêtés, parqués, raflés. 51 ans plus tard, sur le pont Saint-Michel, je prends connaissance du communiqué du résident de la République :
Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression.
La République reconnaît avec lucidité ces faits.
Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes.
Laconique, il ne va pas aussi loin que le gaulliste Jacques Chirac reconnaissant la « responsabilité de l’Etat français » dans la rafle du Vélodrome d’hiver. Peut être faut-il aller chercher du côté de Fréjus la raison de cet oubli. Décidément, la République a du mal à se réconcilier avec son histoire. Pas étonnant que certains de ses enfants le lui fassent payer bien cher. A bien y regarder, que représente l’acte de siffler La Marseillaise face à l’insulte que constitue l’hommage à Bigeard ?
Oui. L’Algérie peuple la France et, singulièrement, sa vie politique.
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Bonus vidéo : The Rolling Stones « Paint It Black »