Il y a quelques jours, j’ai confié aux étudiants le soin de faire quelques recherches sur des sujets d’actualité permettant d’évaluer le rôle de l’Etat dans notre économie. On a causé SNCF, Crédit Immobilier de France, Poste… mais aussi du programme économique de François Hollande, mesuré à l’aune des fondamentaux de la construction européenne. On a aussi parlé de % de PIB, de banques, de clients, de marché, de relance… bref une séance pleine d’actualité, et d’une certaine morosité. Je ne peux guère leur partager ce qui suit en cours, assuré de déclencher l’émotion de mes collègues (qui trouvent déjà que j'exagère), alors je livre ici ce qui pourrait être la conclusion de nos échanges… « Un jour, un homme fort bien mis se présenta au village, avec une petite caisse, provoquant la curiosité des habitants. Monté sur sa caisse, il cria bientôt à qui voulait l’entendre qu’il achèterait 100 euros l’unité tous les ânes qu’on pourrait lui proposer. Les paysans le trouvaient bien peu étrange, mais son prix était très intéressant. Aussi, certains furent heureux de faire affaires. Il revint le lendemain et offrit cette fois 150€ par tête, et là encore une grande partie des habitants lui vendirent leurs bêtes.
Les jours suivants, il offrit 300€. Ceux qui ne l’avaient pas encore fait vendirent les derniers ânes existants. Constatant qu’il n’en restait plus un seul, il quitta le village, en faisant savoir qu’il reviendrait dans 8 jours pour les acheter 500€. Le lendemain, il confia à son associé le troupeau qu’il venait d’acheter et l’envoya dans le même village avec ordre de revendre les bêtes 400€ l’unité. Face à la possibilité de faire un bénéfice de 100€ dès la semaine suivante, tous les villageois rachetèrent leur âne, certains quatre fois le prix qu’ils l’avaient vendu. Pour ce faire, tous empruntèrent. Mais au jour dit, personne ne vint.
Comme il fallait s’y attendre, les deux hommes d’affaires s’en étaient allés prendre des vacances dans un paradis fiscal. Tous les villageois tentèrent vainement de revendre leurs ânes pour rembourser leur emprunt. Le cours de l’âne s’effondra et les malheureux se retrouvèrent avec des bêtes sans valeur, endettés jusqu’au cou, ruinés. Les animaux furent saisis puis loués à leurs précédents propriétaires par le banquier. Celui-ci pourtant s’en alla pleurer auprès du maire en expliquant que s’il ne rentrait pas dans ses fonds, il serait ruiné lui aussi et devrait exiger le remboursement immédiat de tous les prêts accordés à la commune.
Pour éviter ce désastre, le Maire, au lieu de donner de l’argent aux habitants du village pour qu’ils paient leurs dettes, en donna au banquier, ami intime et premier adjoint, soit dit en passant. Or celui-ci, après avoir rétabli sa trésorerie, ne fit pas pour autant un trait sur les dettes des villageois ni sur celles de la commune et tous se trouvèrent proches du surendettement.
Pris à la gorge par les taux d’intérêts, la commune demanda l’aide des communes voisines, mais ces dernières lui répondirent qu’elles ne pouvaient en aucun cas l’aider car elles avaient connu les mêmes infortunes. Leur note fut dégradée.
Sur les conseils avisés et désintéressés du banquier, toutes décidèrent de réduire leurs dépenses : moins d’argent pour les écoles, pour les programmes sociaux, la voirie, la police municipale... On repoussa l’âge de départ à la retraite, on supprima des postes d’employés communaux, on baissa les salaires et parallèlement on augmenta les impôts. C’était, disait-on, inévitable mais on promit de moraliser ce scandaleux commerce des ânes pour éviter qu’on nous y reprenne.
Aujourd’hui, le banquier et les deux escrocs vivent ensemble sur une île des Bermudes, achetée à la sueur