Michaël Lonsdale et Françoise Thuriès se sont penchés sur la personnalité et le parcours d'une femme hors du commun. Afin de ressusciter et mettre en lumière celle qui voua sa vie à Dieu et tout autant aux populations en situation de pauvreté extrême, les deux artistes ont transposé pour le théâtre les"Confessions" de la religieuse, publiées post mortem en 2008. Le premier signe la mise en scène, la seconde incarne celle qui naquit Madeleine Cinquin avec force et émotion.
A la première personne donc, la comédienne narre d'abord sa petite enfance, insouciante et joyeuse jusqu'à la mort de son père alors qu'elle a six ans. Evènement qui transforme la fillette et la convainc de la nécessité de chercher un amour éternel pour ne plus jamais souffrir de la sorte. Sa découverte de la foi lui apparait rapidement comme étant la solution. Une autre découverte, celle des attraits du sexe opposé, à l'âge adulte, la met en joie et la fait longuement hésiter avant d'entrer au couvent. Elle évoque ensuite ses années d'enseignement au cours desquelles elle se sent inutile, puis son combat acharné, positif, joyeux, pour la paix, la tolérance, pour aider les plus démunis et refuser la misère, parcourant le globe afin de récolter des fonds, jusqu'aux miracles qu'elle réalisa dans les bidonvilles d'Egypte et du Soudan où elle vécut des années.
Bouleversante d'humanité et de sincérité, Françoise Thuriès campe une Soeur Emmanuelle aussi passionnée, convaincue, indignée et investie que l'originale, saisissante de ressemblance, allant jusqu'à lui emprunter sa voix et ses intonations. En effet, si elle n'est pas dans l'imitation pure, l'actrice se trouve dans un état de fusion tel avec son personnage que le spectateur croit bien souvent voir et entendre la petite soeur des pauvres. Troublant et émouvant.
Il ressort de ce spectacle, sobrement et intelligemment mis en scène, un superbe portrait de femme bien sûr, à l'humilité et à la volonté incroyables, mais aussi un appel à l'entraide, à la générosité, à la paix, au bonheur, qui secoue pertinemment les consciences sans jamais donner de leçon. Une démonstration presque évidente enfin de la facilité avec laquelle nous pourrions déplacer des montagnes, pour peu que nous le voulions.
Allez-y.
C'est au Théâtre Michel.