Comme dans ces bons vieux bouquins de science-fiction d’autrefois, j’ai l’impression parfois de voyager à travers le temps, rejoignant des époques séparées par des millénaires. A moins que je ne me réveille d’un rêve qui n’était qu’illusion. Pourtant, je jurerais avoir réellement vécu les évènements qui m’inspirent ces interrogations.
Par exemple, je sais très bien et je peux le prouver que j’étais déjà né en 1967, j’avais même quinze ans cette année-là, pour être précis. Les hippies et le Flower Power faisaient l’actualité. Pour les uns, disons les jeunes, l’époque était à la joie et aux sourires fraternels, la musique adoucissait nos mœurs, les drogues promettaient d’ouvrir nos esprits à des connaissances non encore révélées à l’homme, l’amour était le grand mot et la liberté sexuelle son application directe, d’ailleurs les filles se baladaient avec des minirobes à ras le bonbon et n’hésitaient pas à se dépoitrailler dès qu’une bonne occasion se présentait.
Pour les autres, disons les vieux, cette époque de décadence ne présageait rien de bon. Musique de zinzins n’ayant rien à voir avec ce qu’on nomme « musique » quand on sait de quoi on parle, drogues et liberté sexuelle étant synonymes de Sodome et Gomorrhe et ces filles à poil n’étaient que des suppôts de Satan prouvant que le Malin n’allait pas tarder à voir son règne arriver.
Les journaux et la télévision nous montraient les uns et les autres, sourires-fleurs-couleurs des premiers contre costards-cravates-grisaille des seconds. Débats et tribunes dans les médias opposaient les deux camps. Bien entendu l’actualité n’était pas faite que de cela, mais elle nous en offrait des images fortes.
Un peu moins de cinquante ans plus tard, les actualités se résument aux scènes de larmes et de sang lors d’attentats aux quatre coins du monde, ou bien d’exaltés enturbannés voulant imposer la burqa à tout ceux qui ne portent pas une barbe. Le rouge et le noir.
Certes, tout le monde n’était pas hippie hier et tout le monde ne veut pas imposer le voile aujourd’hui, mais ce sont les images fortes et dominantes de ces deux époques. Entretemps, pas loin de cinquante ans se sont écoulés mais plus encore, nous avons changé de siècle et ce n’est pas neutre.
Sont-ce deux mondes bien distincts évoluant en parallèle grâce à une faille dans l’espace-temps, ou bien est-ce une seule et unique planète soumise à la loi naturelle de l’évolution ? Et comment, au cours de ma courte vie, ai-je pu assister au passage d’une époque à l’autre aussi rapidement sans que nous ne réagissions ?