Avant que la bulle n’éclate
Je me sens tout petit. Que je suis bien. Au chaud je baigne dans un paradis liquide dont l’épaisseur renferme toute la douceur du monde. Je flotte.
Je flotte. Je m’étire doucement au son du monde qui me paraît si loin, amorti par le coton obscur qu’est le ventre de ma mère. Les voix ne veulent rien dire, s’escriment à parler, et je ne comprends rien. Une mélodie molle. Il y a du monde. Il y a une bête qui pousse des petits cris. Un chat ou un oiseau. Les sons trompent mes sens. Tout est atténué. Rien n’est grave. Je n’existe pas encore. Il me plait de donner, de temps à autre, un coup de pied rageur pour prouver que j’arrive, et je sens dans ma mère que je ne connais pas encore gonfler un bonheur fugace, une certitude qu’elle chérit : elle porte la vie. J’imagine son sourire que j’aime déjà. J’écoute sa voix, étrangère. Je sens passer sa main sur ce ventre gonflé. J’ai envie de l’embrasser. Je veux mieux la connaître. Je ne veux pas sortir. Je suis tellement bien. Tellement protégé des aléas du monde. Tellement vivant alors que pas encore. Presque. Presque seulement.
Je bouge à son rythme, me balade avec elle. Elle me met de la musique et, dans l’antre idéal où je vis, une somptueuse symphonie me ravit à en pleurer. Mon autre vie s’efface en délicats lambeaux et, si petit que je sois, je me fais une promesse à moi-même : cette fois-ci je ne passerai pas à côté.
Notice biographique
(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche : https://maykan2.wordpress.com/)
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