Le low cost, toujours plus au goût du jour ? Oui, si l'on comprend bien qu'il consiste en la réinvention d'un business model afin de proposer des services standardisés. Il ne s'agit pas seulement de réduction des coûts, mais de création de système.
Rencontre avec Michel Santi, professeur émérite à HEC Paris à l’occasion de la sortie de son ouvrage co-écrit avec Véronique Nguyen : Le business model du low cost, paru aux éditions Eyrolles.
L'Atelier : Pourquoi reparle-t-on du Low Cost, alors que le concept en lui-même n'est pas neuf ?
Michel Santi : Parce que nous sommes dans un contexte de crise et que les individus pensent que le low cost est adapté à celui-ci. Mais c’est une illusion de croire qu’il ne se développe qu’en période de récession bien qu’il y soit particulièrement résistant.
Selon vous, quels en sont les enjeux ?
Le low cost est un système d’innovation de rupture, de différenciation par le bas proposant une nouvelle architecture. En fait, c’est le retour à la fonctionnalité première des produits et des services. Afin de concurrencer les acteurs traditionnels, il faut donc réduire drastiquement les coûts. Pour une compagnie aérienne, les prix low cost sont 45% inférieurs à ceux des compagnies traditionnelles. Toutefois, il faut distinguer le low cost du low fare, qui consiste seulement en la compression des coûts. En fait, le low cost est un processus de destruction-création pour une chaîne innovante. Il faut désintégrer la chaîne de valeur ordinaire. C’est-à-dire qu’il faut que l’entreprise ait une productivité optimale dans les activités dont elle est spécialiste et qu’elle externalise les autres activités de la chaîne de valeur.
En diminuant les prestations, cela permet une économie de coût assez forte. L’offre low cost a une valeur d’utilité perçue (VUPC) moindre. En effet, en réduisant les coûts, on dégrade naturellement l’offre et corrélativement sa valeur d’unité perçue par le client. Tout dépend de la valeur que le consommateur accorde aux fonctionnalités. L’innovation est au pouvoir puisqu’il faut imaginer des ruptures profitables, des petites innovations chacune individuellement copiables. A partir desquelles créer un ensemble cohérent. Afin d’obtenir un "système d’activité" qui devienne quant à lui, difficilement imitable et assure la différenciation.
Le low cost peut-il s’appliquer à tous les secteurs ?
En fait le low cost va à l’encontre de la société de consommation et du marketing poussé à l’extrême. Il ne peut pas s’étendre à tous les secteurs. Il faut que ce soit un bien de commodité dans un marché mature. En effet, il doit être existant avec déjà de nombreux clients. Il faut que les attributs de valeur soient non-dégradables. Pour le secteur du luxe, ou la parfumerie par exemple ce n’est pas possible. Le secteur des cosmétiques quant à lui est peu favorable car les acteurs de ce secteur couvrent déjà l’ensemble du marché, il n’y a pas d’inefficience de l’offre. En outre, il y a des secteurs dans lesquels le low cost est interdit comme les taxis par exemple puisque l’offre est règlementée. Il y a des low cost mais pas sous cette forme-ci. Les conditions facilitantes sont le fait que les clients soient prêts à effectuer une partie de la prestation eux-mêmes (imprimer et assembler par exemple). Enfin, il faut également choisir la cible juste, se méfier de la riposte des acteurs traditionnels et de la concurrence entre low cost en protégeant ses business model.
L'autre concept dont on parle de plus en plus, c'est le Low Tech. Les deux sont-ils liés ?
Non, je n’irai pas jusque-là. En général, le low-cost profite des évolutions technologiques et se sert des nouvelles technologies qui sont déjà diffusées. Mais le low cost est rarement l’initiateur. D’autant plus que l’aspect technologique n’est pas déterminant. Dans les écosystèmes en développement, le low-tech est une bonne solution s’ils n’ont pas besoin de technologies sophistiquées. Concernant le secteur de nouvelles technologies ou de l’informatique, je ne pense pas que le marché soit assez mature pour que l’on propose des solutions low cost. Aujourd’hui c’est plutôt un secteur de différenciation par le haut.