Ils sont 50 électriciens à Fermont et dans les alentours qui attendent "l'appel" pour aller travailler dans le Plan Nord.
"Avec le PQ ça marche tu encore le Plan Nord?" a murmuré Valérie à l'oreille de Luc. "Ben certain que ça va marcher, pis on veut y aller t'as tu vu les salaires de malade?"
"Pourquoi vous y allez pas d'abord?"
"Ben là c'est 14 électriciens de l'extérieur, d'Europe, de Chine d'un peu partout qui vont y aller en premier mais après..."
"Pis c'est quand après..."
Valérie voulait du même coup savoir quand perdrait-elle son Roméo. Elles étaient 8 amies de Fermont, qui se connaissaient depuis la petite enfance. La gang des belles du Nord: Val, Sandy, Rosy, Rox, Stef, Mel, Caro et "Agaçe" appellée comme ça parce que son nom était Éléna Lagacé et qu'elle était la plus "agaçe" quand venait le temps de s'accrocher un gars des chantiers.
Quand les boys arrivaient, généralement le vendredi pour une réunion d'avec les boss et un souper, c'était vers 20h00/20h30, dans une salle paroissiale où une soirée en l'honneur des nouveaux arrivants était prévue pour les accueillir, que généralement Val et sa gang de filles les attendaient. Elles s'étaient mises toutes belles, elles se sentaient entreprenantes, sexuelles, aimantes. Stef niaisait tout le temps pour chasser la nervosité du moment en disant des affaires commes "Si je pouvais me mettre une pancarte dans le cou qui dit Vacancy peut-être que les gars comprendraient plus vite!". Caro oubliait toujours d'enlever sa bague de femme mariée. Veuve depuis 9 ans, elle n'avait toujours pas sacrifié cet artéfact dans les soirées mondaines.
"Oh Non Pas un italien!" à réagi Roxy. "Hého! j'aime ça les italiens moi! Leonardo DiCaprio tu penses que ça vient d'où ce nom-là? Pis regarde comme y est beau" dit Stef en le pointant au loin.
Dans un scénario parfaitement idéal les 8 filles s'attraperaient 8 gars qui sont déjà amis entre eux mais ça n'arrivait jamais. Même que quelques fois, certains gars entre eux ne pouvaient tout simplement pas se sentir. Deux gars en étaient venus aux coups entre les amants de Rox et Mel une fois et les filles s'étaient aussi temporairement brouillées. Mel tenait à se trouver un mec chaque fois, d'abord pour son plaisir mais aussi pour prouver au village qu'elle et Caro n'étaient pas gouines. Elles habitaient ensemble, travaillaient ensemble...
Elles étaient volontaires, mais dignes.
Et Caro avait pour sa part fermé la porte. Elle avait résinstallé sa bague de femme mariée et la pointait quand quiconque semblait lui faire des avances. Ça la fatiguait tout ça. Le jeu de la séduction. Très peu. Si ça arrivait, ça arrivait mais sinon, tant pis, elle ne forcerait jamais la note. D'autant plus qu'elle savait que la plupart des amants de passage avaient déjà des femmes et plusieurs avaient des enfants. Le Luc de Valérie avait deux peties filles à Montréal. Comment vivait-elle avec ça, Val? Il y avait un froid entre Val et Caro. Un froid discret qui se conjuguait avec le froid naturel de Fermont.
On était même pas certain qu'il y aurait vraiment du travail pendant les 28 jours. Le changement de gouvernement, les mauvaises coordinations...
Ils auraient le temps de s'étudier les uns les autres.
Les loups et les gazelles.
Les passagers de la lanterne rouge.
Éclairant Fermont de son "amour"
"Heille c'est bientôt l'halloween, on se déguisera avec les gars!" avait lancé Stef toute excitée.
"On le fait déjà" avait laconiquement laissé tomber Caro, jouant avec son alliance.
Volontaire, mais digne quand même.