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Hommage à Sylvia Kristel avec la rediff sur Planète+ et Ciné+ du doc "Le Plus beau métier du monde"

Par Vierasouto

Sylvia Kristel dans "La Marge" (1976) de Walerian Borowczyk avec Joe Dallessandro

Pitch.
Actrice. Le plus beau métier du monde? un parcours difficile où le talent et le travail ne suffisent pas toujours... Cinq actrices ont accepté de témoigner, suivies dans leur quotidien intime et professionnel, d’être les porte-parole des autres.

La disparition de Sylvia Kristel, éternelle "Emmanuelle", renvoie au film-phénomène aux 350 millions de spectateurs (13 ans à l'affiche à Paris), un film "sans scénario" comme elle le dit dans le documentaire "Le plus beau métier du monde", avec Just Jaeckin, photographe, dont c'était le premier film en tant que réalisateur, elle, débutante, dont c'était quasiment le premier rôle. Le doc suit 4 actrices +1 qui n'ont plus 20 ans, comme on dit : Mathilda May, Gabrielle Lazure, connues au départ pour leur beauté qui fait écran, Agnès Soral, emprisonnée dans son rôle dans "Tchao pantin", et Veronique Boulanger, une comédienne de théâtre, très touchante dans une scène où elle pleure qu'elle n'a jamais été jolie, qu'elle a dû dès le départ se faire remarquer en jouant tout le temps. Mais sont-ce les plus jolies qui évoluent le mieux avec le temps? Des actrices qui font une carrière non stop, il y en a très peu : Deneuve, Moreau, Huppert, Meryl Streep. Des actrices belles et drôles, hormis Shirley Mc Laine, toutes proportions gardées, ça n'existe pas.

  
Sylvia Kristel dans "Le Jeu avec le feu" (1975)  et Gabrielle Lazure dans "La Belle captive" (1983)
(les films fantasmes de Robbe-Grillet)

 Ici, les intervenantes sont très positives, on s'attendrait, s'agissant de Mathilda May ou Gabrielle Lazure, à ce qu'elles regrettent leurs heures de gloire et la beauté de leur jeunesse, au contraire, il semble que les propositions déclinant avec l'âge, les deux actrices aient été obligées de réfléchir à leur bilan, d'en finir (assez volontiers) avec leur statut de femme objet du désir et de réaliser leurs propres désirs : Gabrielle Lazure dit qu'on ne l'écoutait pas, on la regardait, à présent, elle peut participer à l'élaboration d'un rôle, idem pour Mathilda May, célèbre médiatiquement, d'une beauté sensuelle assez exceptionnelle, elle n'a pas fait de succès commercial, quand, un peu sur la touche, elle s'est mise à écrire, aux mots des autres, se sont substitués ses mots à elle. Gabrielle Lazure, au moment du doc (2008) prépare son premier film comme réalisatrice ("Masquée"), Mathilda May sur les planches ("Plus si affinités") avec Pascal Legitimus fait enfin rire! Cette pause obligée ou choisie à moitié, Agnès Soral l'a connue, à quarante ans, elle voulait changer de métier, l'ex-marionnettiste finira par écrire un one woman show, par revenir à un travail artisanal.

Au fil des entretiens, percent les blessures d'enfance, Agnès Soral dit qu'ayant connu, enfant, l'humilitation, cela lui semblait naturel sur un plateau. L'humiliation, ce mot reviendra souvent. Agnès Soral, encore, explique qu'on passe douloureusement d'une enfance mal aimée à l'adoration du public et pour elle c'était trop tôt. Mathilda May a fait de la danse en professionnelle pour consoler sa mère qui s'était arrêtée à cause de sa grossesse (le lui disait) mais s'est débrouillé pour échouer, se diriger vers le cinéma.
Sylvia Kristel et Christine Boisson dans "Emmanuelle" de Just Jaeckin (1974)
Sylvia Kristel dont c'est une des dernières apparitions est très différente des autres actrices, filmée à Amsterdam, elle semble se souvenir de la période "Emmanuelle" comme d'un soleil qui ne reviendra pas mais éclaire encore ses pensées, ses souvenirs. 10 années de succès mondial, Hollywood où elle dépérissait, incapable d'être au top tout le temps même hors films. Une femme dont on comprend qu'elle a eu des problèmes de santé et qu'aujourd'hui l'esthétique n'est plus à l'ordre du jour, une rescapée, en quelque sorte. Pas coiffée, pas maquillée, ses yeux vert d'eau inchangés, le teint diaphane, elle dégage une tristesse douce, une absence d'amertume, une sorte de candeur. Pourtant, elle travaille, théâtre, peinture, possède des centres d'intérêts, mais ce qui frappe, c'est qu'elle n'a aucune assurance. En fait, elle donne le change mais on ne sait pas ce qu'elle pense, n'affiche pas des projets bien plannifiés comme les autres actrices, comme si elle savait qu'elle n'est pas (plus) en mesure de contrôler quoi que ce soit.
Sans doute il n'existe pas un doc entier sur Sylvia Kristel, les témoignages des actrices quadragénaires qui ont su rebondir sont des exemples de battantes, de femmes sorties par la force de l'âge de leur condition d'objet de fantasme, mettant à profit cette liberté forcée pour monter leurs propres projets. Sylvia Kristel semble appartenir à un monde englouti, les rares photos de ses films rappelent la jeune femme sublime qu'elle a été ("Une Femme fidèle" de Roger Vadim, "Alice ou la dernière fugue" de Chabrol, "René la canne"). Le doc fut tourné en 2008, quatre ans avant sa mort, il y a quelques jours. Ce qui frappe, c'est sa simplicité, son humilité, son acceptation du cycle de la vie.
"Je ne suis pas sûre que ce soit le plus beau métier du monde, puisqu’il faut être très très fort, très solide !" (Sylvia Kristel)

 

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