On commence tout juste à mesurer l’importance de la production cinématographique anglaise dans l’histoire du cinéma mondial. Emeric Pressburger et Michael Powell en ont été les parfaits ambassadeurs. Très actifs dans les années 40/50, ils sont tombés dans l’anonymat le plus total dès les années 60. Il suffira d’un film pour détruire la carrière de Powell : le Voyeur, thriller horrifique qui fit un beau scandale à l’époque. Il faudra l’acharnement et la dévotion de réalisateurs prestigieux tels que Coppola, Scorsese ou Bertrand Tavernier pour faire découvrir aux jeunes générations médusées leurs merveilleux films.
Les Chaussons rouges est sans conteste leur plus belle œuvre. L’histoire raconte la vie d’une troupe de ballet et le triangle infernal que forme la talentueuse danseuse étoile Victoria Page, le jeune compositeur ambitieux Julian Cratser et enfin l’impresario démoniaque Boris Lermontov. Ce dernier est interprété avec brio par l’immense Anton Walbrook.
Les Chaussons rouges est inspiré du conte d’Andersen, il est prétexte à une scène de ballet au milieu du film de près de 20 minutes qui est absolument incroyable et unique dans toute l’histoire du cinéma. Powell et Pressburger, pour interpréter certains rôles principaux, eurent le culot d’engager d’authentiques danseurs professionnels. Cela donna une crédibilité supplémentaire au film. Mais ce conte va progressivement contaminer le reste du long métrage et attirer ses protagonistes dans une spirale infernale. On peu y voir une relecture du mythe de Faust avec le personnage manipulateur de Lermontov qui semble exiger de ses employés, en échange de la renommée, bien plus que de la dévotion.
Chef d’œuvre en technicolor tourné en 1948 Les Chaussons rouges est un pur objet de fascination. De la mise en scène aux acteurs en passant par la musique, tous ceux qui ont collaboré à ce film semblent touchés par la grâce. Certaines images ont même par instant la pureté formelle des tout premiers longs métrages de Walt Disney. C’est un film féerique, cruel et splendide qui influença durablement le cinéma et les cinéastes du monde entier.
Je retiendrais pour finir une citation se trouvant au dos du très beau Blu-Ray édité en France par Carlotta, celle de Francis Ford Coppola déclarant que Les Chaussons Rouges est le seul film à voir avant de mourir.