Quand je fais semblant d'avoir l'air
je n'ai pas l'air de faire semblant
même s'il semble que je mens
les gens assemblés n'y voient rien.
Qu'ils soient Iroquois, Ivoiriens
ou travailleurs de la voirie,
ou tisserands de la soierie
ou bien grands assoiffés de soi,
que sais-je encore, ils croient mon jeu,
ils croient mon je, mais qui sait s'ils
ne font pas eux aussi semblant,
semblant d'être des faux semblants,
des semblants d'eux-mêmes sans blé ?
Mais après tout, on nous l'a dit,
croassé (assez !) sur tous les tons
"je est un autre", je est tu,
je a le don d'ubiquité,
le sens de la simulation
car simuler, cela stimule.
Quand, donc, je feins d'être moi-je,
il y a des chances que j'aie bon
et qu'en fait j'imite moi-tu,
cette moitié d'un moi menteur.
Dans la moiteur de ma moitié
je ne sais plus bien qui est tu
et je perds de vue qui est moi
et qui est le moi que je feins
et qui est le soi dont j'ai faim
comment réunir toi et moi ?
"Arrête de jouer au plus fin"
me dit en moi-m'aime une voix
dès lors que je sens que je feins,
que je suis un soi-disant soi
mais cette voix - comment la croire ?
Émane-t-elle de mon je
qui est un autre, de mon toi,
de sous les tuiles de mon toit
ou de mon soi feignant de feindre ?
Patricia Laranco