FAIBLESSE DES HOMMES, GRANDEUR DE DIEU
Mon âme, louez le Seigneur ;
Rendez un légitime honneur
À l’objet éternel de vos justes louanges.
Oui, mon Dieu, je veux désormais
Partager la gloire des anges,
Et consacrer ma vie à chanter vos bienfaits.
Renonçons au stérile appui
Des grands qu’on implore aujourd’hui ;
Ne fondons point sur eux une espérance folle.
Leur pompe, indigne de nos vœux,
N’est qu’un simulacre frivole ;
Et les solides biens ne dépendent pas d’eux.
Comme nous, esclaves du sort,
Comme nous, jouets de la mort,
La terre engloutira leurs grandeurs insensées ;
Et périront en même jour
Ces vastes et hautes pensées
Qu’adorent maintenant ceux qui leur font la cour.
Dieu seul doit faire notre espoir ;
Dieu, de qui l’immortel pouvoir
Fit sortir du néant le ciel, la terre, et l’onde ;
Et qui, tranquille au haut des airs,
Anima d’une voix féconde
Tous les êtres semés dans ce vaste univers.
Heureux qui du ciel occupé,
Et d’un faux éclat détrompé,
Met de bonne heure en lui toute son espérance !
Il protège la vérité,
Et saura prendre la défense
Du juste que l’impie aura persécuté.
C’est le Seigneur qui nous nourrit ;
C’est le Seigneur qui nous guérit :
Il prévient nos besoins ; il adoucit nos gênes ;
Il assure nos pas craintifs ;
Il délie, il brise nos chaînes ;
Et nos tyrans par lui deviennent nos captifs.
Il offre au timide étranger
Un bras prompt à le protéger ;
Et l’orphelin en lui retrouve un second père :
De la veuve il devient l’époux ;
Et par un châtiment sévère
Il confond les pécheurs conjurés contre nous.
Les jours des rois sont dans sa main :
Leur règne est un règne incertain,
Dont le doigt du Seigneur a marqué les limites ;
Mais de son règne illimité
Les bornes ne seront prescrites
Ni par la fin des temps, ni par l’éternité.
Jean-Baptiste ROUSSEAU (1671-1741).
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