Alors que le congrès de l’UMP approche, petit rappel des résultats de la dernière primaire organisée auprès d’un corps électoral comparable : en juin 2011, Eva Joly l’avait emporté lors de la primaire écologiste avec 58% des voix au second tour face à Nicolas Hulot, pourtant grand favori des sondages effectués pendant la campagne.
Sondages et primaires, le précédent Joly/Hulot
La mauvaise performance de ceux-ci pouvait alors facilement s’expliquer : Europe Ecologie / Les Verts n’ayant évidemment pas fourni son fichier d’adhérents aux instituts de sondage, ceux-ci en étaient réduits à interroger une population bien différente de celle appelée à se déplacer en juin : les sympathisants et non les adhérents. Précision importante puisque l’écart entre les deux populations était considérable : alors qu’environ 25 000 personnes ont finalement voté lors des deux tours de cette primaire, l’ensemble des sympathisants écologistes interrogés lors des enquêtes d’opinion devait se situer à l’époque autour de 3 à 4 millions de Français.
Le problème reste entier à l’heure des pronostics sur le duel entre François Fillon et Jean-François Copé. Les différents sondages mettant en concurrence les deux favoris s’adressent ainsi à une population, les sympathisants de l’UMP, représentant probablement entre 8 et 10 millions de Français, loin des 260 000 adhérents de l’UMP qui pourront réellement voter à l’issue du congrès. Un décalage toutefois moins important que lors de l’élection d’Eva Joly : le corps électoral est ainsi dix fois supérieur à celui de la primaire écologiste, qui concernait en plus des adhérents traditionnellement très enclins à déjouer tous les pronostics de sondeurs ou politologues.
Un duel dominé par l’héritage de Nicolas Sarkozy
Reste que l’avantage systématique de François Fillon dans les sondages réalisés ces dernières semaines doit être questionné ou au moins remis dans son contexte, tant que la concordance de souhaits entre adhérents et sympathisants n’est pas confirmée. Au-delà de l’avantage évident dont l’ancien Premier ministre dispose auprès de l’électorat de droite, il faut donc essayer d’observer dans quel état d’esprit peuvent aujourd’hui être les adhérents de l’UMP.
Ces chiffres sont essentiels pour comprendre les débats actuels à l’UMP car ils montrent qu’il n’y a pour l’instant pas eu de page tournée sur les dix années dominées par l’ancien pensionnaire de l’Elysée : les références à Nicolas Sarkozy restent essentielles pour rechercher une légitimité auprès des sympathisants ou adhérents de l’UMP, aucune remise en question de fond des orientations idéologiques prises pendant la dernière campagne n’ayant été vraiment enclenchée. Les stratégies des deux favoris pour la présidence de l’UMP se sont donc adaptées à cette réalité : revendication claire de l’héritage de Nicolas Sarkozy pour le maire de Meaux, volonté d’assumer la politique conduite pendant le quinquennat pour l’ancien Premier ministre.
Une même fidélité mais deux stratégies différentes pour capter cet héritage
Un récent sondage Opinionway / Le Figaro effectué auprès des sympathisants de l’UMP en octobre montrait que l’électorat de l’UMP se divisait entre trois parts quasi égales : 33% se déclarant de centre-droit, 32% de droite et 29% très à droite. François Fillon semble aujourd’hui vouloir rallier toutes ces sensibilités grâce au prestige de son image d’ancien Premier ministre, en faisant le pari que la posture du chef prévaudra sur la fidélité idéologique plus profonde mise en scène par Jean-François Copé. Il dispose en effet d’une popularité beaucoup mieux répartie au sein de l’échiquier politique que son concurrent direct : très populaire au centre et à droite, il l’est également relativement chez les sympathisants du FN, y devançant en tout cas toujours Jean-François Copé.
Cette stratégie semble en partie validée par son avance sur ce dernier auprès des sympathisants de droite sur les dimensions de leadership (autre sondage Opinionway pour Le Figaro réalisé en octobre) : le député de Paris est ainsi « le plus capable de rassembler les électeurs de droite », celui qui a le plus « l’autorité d’un chef de parti » ou encore celui qui ferait le plus « un bon chef de l’opposition ».
Rassemblement des droites contre droite décomplexée
Difficile de mesurer l’effet de cette stratégie, puisqu’elle s’adresse par définition à un noyau plus étroit que celle de François Fillon. Notons tout de même que ses déclarations sur le racisme anti-blanc avaient en partie été légitimées dans un sondage TNS/CQFD à la fin septembre : 56% des Français étaient ainsi d’accords avec son affirmation selon laquelle il existait un racisme anti-blancs dans certains quartiers, et surtout 84% des sympathisants UMP. Jean-François Copé l’emporte également sur les dimensions « dynamique » et « moderne » face à François Fillon (sondage Opinionway cité plus haut), un résultat logique au vu de son positionnement volontairement « décomplexé ».
Que penser alors de l’issue du vote à venir pour la présidence de l’UMP ? Tous les sondages réalisés auprès des sympathisants de l’UMP donnent une avance considérable à François Fillon, et ce quelle que soit la question posée (souhait de victoire lors du congrès, meilleur chef de l’opposition, capacité à faire gagner la droite en 2017, potentiel de vote pour 2017, …). Toute la question est alors de savoir si le positionnement « décomplexé » de Jean-François Copé peut avoir un impact plus important chez les adhérents de l’UMP qu’il n’en a chez les simples sympathisants du parti, comme le positionnement pur et dur d’Eva Joly avait fini par avoir raison de Nicolas Hulot en juin 2011.
Une marge de manœuvre limitée pour Jean-François Copé
La comparaison doit en réalité être nuancée : si Nicolas Hulot pouvait être vu comme un élément étranger à la famille des Verts, on voit mal quel procès en légitimité idéologique pourrait être instruit contre François Fillon, élu du RPR puis de l’UMP depuis plus de trente ans. D’autant plus que le débat entre les deux favoris s’est pour l’instant presqu’exclusivement concentré sur les valeurs et l’héritage de Nicolas Sarkozy, laissant de côté les questions économiques et sociales sur lesquelles il est encore difficile de distinguer François Fillon de Jean-François Copé.
Quelle marge de manœuvre a donc encore Jean-François Copé pour se différencier radicalement de son adversaire et créer la surprise ? Ses récentes saillies, sans être désapprouvées par l’électorat de droite, n’ont pas pour autant changé le rapport de force entre les deux candidats chez les sympathisants de l’UMP. Y a-t-il des raisons objectives de penser que les adhérents de l’UMP ne ressemblent à ce point pas à l’électorat de droite dans son ensemble ? Ou tout du moins que l’actuel secrétaire général ait tissé en deux ans de tels réseaux dans les fédérations que celles-ci lui resteront fidèles en dépit de tout ? De la crédibilité de ces deux hypothèses dépendra en grande partie l’issue d’une élection que les sondages nous annoncent à tort ou à raison presque jouée d’avance.