Allemagne rentière

Publié le 23 octobre 2012 par Egea

Le comportement de l'Allemagne suscite des interrogations. Des explications comme "l'Allemagne retrouve une stature géopolitique" ou "elle se réenracine en MittelEuropa" ne permettent pas de comprendre sa posture stratégique actuelle, à la fois européenne et égoïste. D'où le recours à la démographie qui me paraît, une fois encore, un puissant facteur explicatif .

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1/ En effet, l'Allemagne connaît une situation démographique déplorable. Mais alors qu'on ne s'attache qu'au taux de natalité (moins de 1,5 enfant par femme), et qu'on dit qu'il y a un vieillissement accéléré, on ne tire pas la conclusion suivante.

2/ Elle est simple : l'Allemagne est une nation de papy-boomers qui, comme toute cette génération, est très "égoïste" : ayant obtenu un partage des richesses à son avantage dans les trente glorieuses, elle se trouve aujourd'hui enrichie et compte donc vivre de ses rentes. (NB : cela rappelle la distinction américaine entre baby-boomers et millenials, ou encore la principale inégalité française qui n'est pas celle des revenus, mais celle des générations : c'est toutefois plus marqué en Allemagne)

3/ Ceci explique fondamentalement son rapport à la dette : ses créances financent, structurellement, son système de retraite. Ce n'est pas une question de rigueur prusso-protestante ("nous avons faits des efforts, vous aussi vous devez en faire") ou du moins pas seulement : c'est d'abord la nécessité de garantir les revenus des vingt ans à venir. D'où les positions actuelles si radicales et intransigeantes.

4/ Ceci explique d'ailleurs une autre chose : l'Allemagne exporte des biens, mais importe des travailleurs. Elle en importe de plus en plus et la crise au sud l'arrange, de ce point de vue : 25 % de chômage en Grèce ou en Espagne, ce sont autant de travailleurs qualifiés (et moins problématiques que les Turcs) qui viennent travailler, à pas cher, pour faire fonctionner l'industrie allemande.

5/ En effet, on se focalise exclusivement sur la balance commerciale allemande, mais on parle assez peu de la balance des capitaux : il est très probable que les transferts monétaires de l'Allemagne vers l'Europe marquent une exportation nette de capitaux, qui vient en partie compenser le surplus commercial et rétablir l'équilibre intra européen. Un économiste, lecteur d'égéa et ayant accès à ces données, pourrait-il nous le confirmer ?

6/ Enfin, le différentiel démographique explique en grande partie les accords "contre tendance" qui existent en Europe. En effet, l'axe politique principal, ne cesse-t-on de lire, s'organise autour de Paris et Berlin, quand Londres s'éloigne politiquement de plus en plus de l'Europe. Mais si vous observez les taux de natalité, vous apercevez alors une alliance objective entre Londres et Paris, qui bénéficient d'une démographie encore assez dynamique qui les encourage à des attitudes de puissance "old style", que ne peut plus se permettre l'Allemagne vieillissante. D'où Lancaster House, la Libye et l'alliance objective franco-brit autour de BAE..., quand l'Allemagne dit "Nein".

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O. Kempf