Dans un beau discours publié sur le site DICI, Mgr Alfonso de Galarreta, Évêque de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X, revient sur l’historique des relations avec Rome.
Le samedi 13 octobre 2012, à l’occasion des Journées de la Tradition, à Villepreux (France), Mgr Alfonso de Galarreta a donné cette conférence (écouter la version audio ici) où il analyse l’état des relations de la Fraternité Saint-Pie X avec Rome.
Je veux vous dire ma pensée, puisque dans cette crise on entend beaucoup d’opinions différentes, de voix divergentes, et il se peut qu’il y ait encore des retombées, aussi je me suis dit qu’il fallait que vous connaissiez au moins ma pensée. Je vais donc reprendre rapidement quelques faits pour m’expliquer, faire un petit peu l’historique, à partir de la fin de la croisade du rosaire, cette croisade de prières dont l’objet était d’offrir 12 millions de chapelets, croisade qui s’est terminée à la Pentecôte de cette année. C’est après la fin de la croisade que nous avons reçu trois réponses coup sur coup de la part de Rome. A ce moment-là, il y avait la proposition (d’une déclaration doctrinale) de la Fraternité présentée au mois d’avril, et c’est après la Pentecôte que nous avons reçu une première réponse de la Congrégation pour la doctrine de la Foi.
Et dans cette réponse, les autorités romaines nous disaient clairement qu’elles rejetaient, qu’elles n’acceptaient pas notre proposition, et elles faisaient plusieurs corrections qui revenaient à nous dire : il faut accepter le concile Vatican II, il faut accepter la licéité de la nouvelle messe, il faut accepter le magistère vivant, c’est-à-dire elles qui sont les interprètes authentiques de la Tradition, donc elles qui disent ce qui est Tradition et ce qui n’est pas Tradition ; il faut accepter le nouveau Code, etc. Voilà leur réponse.
Ensuite, et j’estime que ce fut une réponse de la Providence, il y a eu la nomination de Mgr Müller. Ils ont nommé à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la Foi, et aussi comme président de la commission Ecclesia Dei – celle qui a la charge de tous ceux qui sont rattachés à Ecclesia Dei et qui est en contact avec la Fraternité Saint-Pie X. Eh bien ! Cet évêque qui a été nommé à la tête de ce dicastère et de la commission Ecclesia Dei, – outre le fait qu’il mettait en question plusieurs vérités de Foi –, est aujourd’hui le gardien de la Foi. C’est, disons, une vieille connaissance de la Fraternité, puisqu’il était évêque de Ratisbonne, diocèse où se trouve notre séminaire de Zaitzkofen, et que nous avions eu déjà avec lui des difficultés, des affrontements. Il y a trois ans même, il avait menacé l’évêque qui allait faire les ordinations à Zaitzkofen de l’excommunier, en l’occurrence c’était moi. Il m’a ainsi menacé d’excommunication ainsi que les diacres qui allaient recevoir le sacerdoce, les nouveaux prêtres. Ensuite il a tergiversé, mais c’est quelqu’un qui ne nous estime pas, qui ne nous aime pas, c’est clair, et il a déjà dit que les évêques de la Fraternité n’ont qu’une chose à faire : déposer leur épiscopat entre les mains du Saint Père et aller s’enfermer dans un couvent. C’est quand même assez cruel, n’est-ce pas ? Puis il a tout simplement dit que nous n’avions qu’à accepter le Concile, et c’est tout. Il n’y avait plus rien à discuter.
Alors que nous attendions la lumière du Saint-Esprit, nous avons eu cette réponse.
Ensuite, avant le Chapitre général, notre Supérieur général avait écrit au pape pour savoir si vraiment c’était sa réponse, puisque en grande partie le problème que nous avons connu venait du fait qu’il y avait un double message de Rome.
Certaines autorités nous disaient : la réponse de la Congrégation de la Foi est officielle, ils font leur travail, mais vous n’en tenez pas compte, il faut la classer ; de toute façon nous voulons un accord, nous voulons vous reconnaître tels que vous êtes.
Mais la réponse de la Congrégation de la Foi et la nomination de Mgr Müller n’allaient pas dans ce sens, dans le sens du deuxième message. Aussi pour en avoir le cœur net, Mgr Fellay a écrit au pape afin de savoir si c’était vraiment sa réponse, sa pensée. Et juste avant le Chapitre, pendant la retraite qui a précédé, Monseigneur a reçu une réponse, – c’était la première fois qu’il y avait une réponse du pape à Mgr Fellay –, et il nous a dit à table dimanche, à la fin de la retraite : voilà j’ai reçu une lettre du pape où il confirme que la réponse de la Congrégation de la Foi est bien sa réponse, qu’il l’a approuvée. Et il rappelle, en les ramenant à trois points, leurs exigences, leurs conditions sine qua non pour une reconnaissance canonique :
1) reconnaître que le magistère vivant est l’interprète authentique de la Tradition, c’est-à-dire les autorités romaines ;
2) que le concile Vatican II est en parfait accord avec la Tradition, qu’il faut l’accepter ;
3) que nous devons accepter la validité et la licéité de la nouvelle messe.
Ils ont mis licéité, – probablement qu’en français ce mot a un sens un peu ambigu –, pour eux cela veut dire simplement légal, qui a les formes légales, mais dans le langage canonique, c’est beaucoup plus profond, cela veut dire que c’est une vraie loi, que cela a force de loi. Pourtant l’Eglise ne peut pas avoir de loi contraire à la foi catholique. Et nous avons toujours contesté, en ce sens, la légalité de la réforme liturgique et de la nouvelle messe, car elle ne peut pas avoir force de loi dans l’Eglise, c’est impossible parce que contraire à la Foi, parce qu’avec elle ils démolissent la Foi, et ils ont bien mis validité et licéité.
Autrement dit, vous voyez que sur tout l’essentiel de notre combat – ce combat des deux cités, des deux esprits – il fallait céder et trahir. Alors évidemment, sur ce point, la divine Providence nous avait tracé le chemin du Chapitre. C’était Rome qui disait : non, on reste sur le plan doctrinal, et vous acceptez tout ce que vous avez rejeté jusqu’à présent.
Le Chapitre général (9-14 juillet 2012)
Ensuite il y a eu le Chapitre, je ne peux pas vous donner trop de précisions, on est tenu au secret, mais Mgr Fellay lui-même a déjà fait connaître certaines choses, et il y a des éléments qui ont été indiqués dans la Déclaration finale, ce sont les conditions que vous connaissez. Ce que je peux vous dire, c’est que la divine Providence nous a assistés pendant le Chapitre d’une façon claire et tangible.
Cela s’est très bien passé, je vous le dis tout simplement, nous avons pu parler tranquillement, librement, ouvertement, nous avons pu aborder les problèmes cruciaux, même si nous avons dû laisser les autres, les questions qui étaient prévues au programme initial. Nous avons pris tout le temps nécessaire pour discuter et nous avons confronté les points de vue, comme il sied entre membres d’une même congrégation, d’une même armée. Cela ne fait pas de problème, la Fraternité n’est pas une école de jeunes filles, n’est-ce pas ? Alors si quelque fois il y a des discussions entre nous, il ne faut pas non plus en faire une histoire. Lisez le cardinal Pie quand il soutient des discussions publiques avec des évêques, en France, au XIXe siècle. Il les justifie, il explique pourquoi, il dit que c’est un combat, et puis voilà tout ! C’est pour dire qu’il ne faut pas non plus faire un drame. Le drame serait d’abandonner la Foi, mais qu’il y ait des discussions des questions d’opportunité prudentielle sur ceci ou cela, c’est normal. Il y a des aspects différents, il y a des tempéraments, il y a des situations… C’est extrêmement compliqué, et on ne peut pas sortir l’épée pour trancher le nœud gordien, en disant : voilà je résous la question d’un seul coup, non ! Le chapitre s’est passé comme je vous le dis, et je pense que nous avons vraiment tiré des leçons utiles des épreuves que nous avons eues, même si ce n’est pas parfait, ce qui est un autre aspect dont il faut tenir compte. Dans notre vie, tout se passe dans l’imperfection ; lisez l’histoire de l’Eglise ! Il ne faut pas demander une perfection qui n’est pas de ce monde, mais il faut avoir les yeux fixés sur l’essentiel, sur ce qui compte ; après on peut passer sur beaucoup de choses. Dans la vie, vous ne faites pas cela en famille ? Oui, vous le faites. Sinon rien ne tient dans ce monde, dans cette vie, et même parmi nous.
Certains s’inquiètent : Ah ! Oui, mais là ! – Il faut voir la complexité du problème, de la situation. Et n’oublions pas qu’il y a aussi la part des passions. Elles existent même chez nous. Tout cela pour vous dire qu’à mon avis il ne faut pas pinailler sur ces questions. Il faut voir si l’essentiel est là ou non.
Selon moi, nous avons vraiment surmonté la crise, nous l’avons dépassée, et comme il fallait, surtout dans les mesures pratiques, grâce aux discussions qui nous ont permis de clarifier entre nous des points, de bien peser les arguments, sous tous les aspects, de les trier, d’arriver à une plus parfaite clairvoyance, lucidité sur la situation, ce qui est l’avantage des épreuves si l’on en tire des leçons. A partir de ces discussions extrêmement importantes et riches, nous avons établi des conditions qui pourraient permettre d’envisager hypothétiquement une normalisation canonique et à ce propos, si vous réfléchissez bien, ce qui a été fait revenait à prendre toute la question doctrinale et liturgique, pour en faire une condition pratique.
Le reste est également à lire, sur le combat des deux cités, celeste et terrestre.
Sur DICI