Le rendez-vous sur les retraites qu’a commencé de préparer Xavier Bertrand cette semaine ne laisse pas augurer d’une grande créativité. Les vieilles recettes ont la vie dure. Hausse des cotisations (un véritable épouvantail parce qu’immédiatement douloureuse), baisse des prestations et allongement de la durée de cotisation (la plus prisée parce que la plus indolore) sont au menu des discussions sans, encore une fois, qu’une réflexion globale ait menée sur les modes de financement de notre protection sociale en y intégrant une remise à plat de la fiscalité (un enjeu de taille). Autrement dit, sans qu’ait été achevée au préalable la Revue Générale des Prélèvements Obligatoires (RPGO) en cours. A quoi peut bien mener cette RPGO si les sujets sont traités ainsi de façon cloisonnée, déconnectés les uns des autres ? Si des choix sont faits par ailleurs en matière d’assurance-vieillesse, qui constitue une part non négligeable de ces prélèvements obligatoires ? Tout cela manque encore une fois de vision d’ensemble et il est regrettable que de nouvelles sources de financement comme la TVA sociale fasse l’objet d’un renoncement sans expérimentation (plutôt que de consacrer des milliards d’euros au paquet fiscal, il aurait été peut-être plus ingénieux de les consacrer à expérimenter une TVA sociale "à prélèvements constants").
Cela manque aussi de cohérence à tout le moins. Le gouvernement veut mettre sur la table des négociations les avantages familiaux (majoration de 10 % pour les parents de 3 enfants et plus, majoration de la durée de cotisation de 2 ans sous réserve d’interruption d’activité). Je m’étonne (c’est un euphémisme) d’une telle contradiction. Alors que la réforme de 2003 a confirmé le choix de la répartition pour nos régimes de retraite, il serait pour le moins paradoxal et même scandaleux qu’un système qui se réclame de la solidarité entre les générations (la définition même du régime par répartition) rogne les avantages de ceux qui contribuent de façon essentielle à cette solidarité en assurant le renouvellement desdites générations.
Finalement, ces régimes de retraite par répartition prennent un tour de plus en plus totalitaire. Même si le terme paraîtra excesiif à certains, je pèse évidemment mes mots, en l'occurrence le mot. Selon la définition qu'en donne par exemple Wikipedia,
"le totalitarisme est le système politique des régimes à parti unique, n'admettant aucune opposition organisée, dans lequel l'État tend à confisquer la totalité des activités de la société". Par leur coté unique, obligatoire et de plus en plus confiscatoire pour une majorité de salariés qui n’ont guère d’autre choix (sauf à s’expatrier ou à s’installer en indépendant mais ce n’est guère possible dans beaucoup de métiers), les régimes de retraite par répartition ne s’y apparentent-ils pas de plus en plus ? Je reste pourtant un farouche adversaire de la retraite par capitalisation individuelle (tout comme de la protection maladie individuelle) qui consisterait purement et simplement à revenir deux siècles en arrière. Pour autant, le régime de répartition tel que le conçoivent nos gouvernants (des prestations en baisse et des contributions en hausse) ne pourra susciter qu’un rejet de plus en plus massif de ceux qui y contribuent le plus.