Le loup, ennemi public numéro un - Troisième épisode: Les zones d'exclusion
Au Sénat, le sénateur Alain BERTRAND (RDSE, Président de la Communauté de Communes coeur de Lozère, anciennement Haute Vallée d'Olt), et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen ont déposé le 16 octobre 2012 une proposition de loi « visant à créer des zones d’exclusion pour les loups ».
Exposé des motifs
Les activités pastorales souffrent d’attaques répétées de loups gris (canis lupus), notamment dans le Sud-est de la France. Il en résulte une activité économique locale gravement perturbée et des éleveurs plongés dans une insécurité économique et financière mais également sociale. Plus de 400 attaques ont été constatées en 2012, démontrant que la situation est bien urgente. Ces attaques connaissent une évolution mesurable par la forte augmentation des indemnisations globales d’une année sur l’autre, entre 2004 et 2011 : de 201 500 à 495 227 euros dans les Alpes maritimes ou de 9 114 à 204 253 euros dans le Var…
Le loup est une espèce protégée par la Convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, signée dans le cadre du Conseil de l’Europe en 1979, ratifiée par la France en 1989. Ces dispositions sont reprises par la directive européenne 92/43/CEE « Habitat, faune, flore » du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que la faune et de la flore sauvages, transposée dans le code de l’environnement aux articles L. 411-1 et L. 411-2 et R. 411-4 à R. 411-14. Un arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et du ministre chargé de l’agriculture du 23 avril 2007 fixe la liste des espèces protégées, dans laquelle figure le Canis lupus.
Si le principe reste celui de la protection des espèces, une dérogation peut être autorisée « pour prévenir des dommages importants, notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriété » (L. 411-2, 4° b du code de l’environnement (1)).
Les dérogations sont toutefois encadrées par deux conditions (2) :
- Il n’existe pas d’autre solution satisfaisante ;
- La dérogation ne nuit pas au « maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ».
Le « Guide interprétatif sur la protection stricte des espèces animales d’intérêt communautaire par la Directive Habitat 92/43/CEE » confirme la possibilité de déroger au principe de protection par le prélèvement à titre préventif, en l’absence même de dommages, lorsqu’il est vraisemblable qu’ils se produisent.
Des dérogations à la protection des loups sont donc accordées par les préfets et encadrées par un arrêté du 9 mai 2011. Celui-ci prévoit notamment qu’un arrêté ministériel fixe chaque année un plafond de tirs de prélèvements, fixé à 11 pour la période 2012-2013, ce qui est largement insuffisant au regard d’une population de plus de 200 loups. Cet arrêté prévoit également les conditions dans lesquelles doivent se dérouler les tirs d’effarouchement et les tirs de défense.
Cependant, ces mesures ainsi que le développement du gardiennage nocturne ou le regroupement de troupeaux se sont révélés peu efficaces.
Pourtant, un équilibre est possible entre la protection du loup, espèce « vulnérable », mais pas espèce « en danger » (au sens du classement de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature), et les activités pastorales.
La jurisprudence du Conseil d’État confirme et interprète les dérogations possibles à la protection des loups. Ces dérogations sont alors applicables lorsqu’il existe des « dommages importants », condition remplie en cas de « perturbation de grande ampleur apportée aux activités pastorales »(3). Le juge administratif a eu l’occasion de reconnaître que l’inefficacité des mesures mises en oeuvre par les pouvoirs publics démontre l’absence de « solution satisfaisante » (4).
- Article 9 de la Convention de Berne et article 16 de la Directive Habitat Faune Flore.) .
- Ibid.
- CE 20 avril 2005 ASPAS req. n° 271216 et CE 4 février 2008 ASPAS req. n° 294867.
- « Toutefois ces mesures de protection ne permettent à elles seules d’assurer une équilibre satisfaisant entre les intérêts publics en présence en matière sociale et économique d’une part, de protection de l’environnement d’autre part ».
Par conséquent, la présente proposition de loi a pour objet de créer des zones d’exclusion pour le loup regroupant les communes dans lesquelles les actives pastorales sont gravement perturbées par les attaques des loups qui causent des dommages importants. La destruction des loups sera autorisée dans ces zones, délimitées chaque année, indépendamment des tirs de prélèvements autorisés.
En effet, un plafond annuel spécifique s’appliquera dans chaque zone. En outre, ces zones ne devront pas menacer la présence du loup sur notre territoire.
Ce texte, conforme à nos engagements internationaux, est une réponse au caractère insuffisant des mesures mises en place pour assurer un équilibre entre la protection du loup et les activités pastorales traditionnelles.
L’article unique de la présente proposition de loi définit les conditions de création de zones d’exclusion pour les loups.
Proposition de loi
Article unique
L’abattage de loups est autorisé dans les zones d’exclusion indépendamment du prélèvement défini au niveau national. Chaque année, ces zones sont délimitées et un plafond de destruction spécifique est déterminé pour chacune d’entre elles.
Elles regroupent les communes où l’on constate des dommages importants causant une perturbation de grande ampleur aux activités pastorales en dépit des mesures de protection susceptibles d’assurer un équilibre entre les intérêts économiques et sociaux et la protection de l’environnement.
Les zones d’exclusion ne peuvent mettre en péril la présence du loup sur le territoire national.
Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application de cet article.