La troupe marseillaise des Carboni propose un spectacle hommage à son compatriote phocéen René Sarvil, auteur de chansons et librettiste de la première moitié du siècle dernier ("Le Chapeau de Zozo", "Zou un peu d'aïoli", "La Canebière"... C'est lui). Enlevé, joyeux et impeccablement réglé, ce moment charmant, élaboré à partir de la biographie de l'artiste écrite par son neveu, diffuse avec une modernité certaine la nostalgie des cabarets d'avant-guerre et des grandes heures de l'opérette. Nous sommes sortis conquis de la Comédie Bastille, des paillettes plein les yeux et des cigales plein la tête !
L'an passé déjà, au Théâtre 14, cette compagnie mettait le parolier à l'honneur, donnant à voir la version intégrale d' "Un de la Canebière" (musique de Vincent Scotto), dans un esprit clownesque et Commedia dell'arte enthousiasmant. Usant du même ton, elle se libère ici du carcan désuet des scripts de Sarvil pour gagner en fantaisie narrative, tout en continuant de chanter ses succès, s'autorisant quelques incartades chez les autres chansonniers de l'époque ainsi que de savoureux anachronismes musicaux piochés dans le répertoire jazzy du music hall et de la variété contemporaine.
Sous la houlette de Frédéric Muhl Valentin, quatre jeunes interprètes talentueux, aux personnalités bien trempées, chantent, dansent et jouent la comédie avec vivacité et espièglerie. Ali Bougheraba, qui co-signe le texte avec le metteur en scène, compose un maître de cérémonie-conteur au bagout impayable, au sourire enjôleur, à la superbe présence. Benjamin Falletto peine à contenir sa passion pour Broadway, Liza Minnelli ou Britney Spears qu'il évoque régulièrement en chansons, au grand dam de ses collègues, avec une emphase irrésistible. Doté d'un flegme qui ne l'est pas moins, Cristos Mitropoulos entonne des paroles parfois gratinées et fait preuve d'une technique formidable. Camille Favre Bulle, piquante et touchante, apporte quant à elle la touche féminine du spectacle. Anthony Doux, enfin, accompagne tout ce petit monde à l'accordéon, explorant brillamment l'ensemble des possibilités de son instrument (électrique et programmable) afin que jamais l'oreille du public ne se lasse.
Joli, drôle et touchant.
Allez-y !
"Sarvil, l'oublié de la Canebière". Tous les dimanches et lundis à 20 heures.