La chaîne A350 XWB baptisée Ť Roger Béteille ť.
Ce fut un bref moment d’intense émotion : le bâtiment qui abrite la chaîne d’assemblage final du nouveau long-courrier Airbus A350 XWB portera le nom de Roger Béteille. Un baptęme marqué par une cérémonie sobre, en présence du Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault. Et, surtout, par la participation de Roger Béteille, revenu ŕ Toulouse pour l’occasion, le temps de prononcer quelques mots et de recevoir une chaleureuse standing ovation.
Roger Béteille, 90 ans, est le dernier d’entre eux encore de ce monde, le dernier représentant d’un trio hors du commun qu’il formait il y a 40 et quelques années avec Henri Ziegler et Felix Kracht. Les pčres fondateurs, les initiateurs d’une extraordinaire saga industrielle qui a hissé Airbus au rang de premier constructeur d’avions commerciaux au monde. Quatre décennies de défis sans cesse renouvelés pour bâtir une Europe qui gagne, une Europe de l’aéronautique forte et insolente de bonne santé, un sujet de grande fierté qui résonne curieusement en ces temps de récession et de crise de l’euro. L’exception qui confirme la rčgle, que chacun aimerait ętre capable de reproduire ŕ l’infini.
Jean-Marc Ayrault ne s’y est pas trompé : il s’est offert une brčve matinée d’optimisme en inaugurant la nouvelle ŤFALť (Final Assembly Line) en compagnie de Fabrice Brégier, président exécutif de l’avionneur européen, sous le regard satisfait de Thomas Enders, patron d’EADS. Un moment fort, en attendant le premier vol du gros biréacteur prévu pour la mi-2013. Un programme important, qui a déjŕ réuni les commandes de 34 compagnies aériennes, qui se présente bien aprčs un faux départ et malgré la concurrence acharnée de Boeing.
Le temps d’une cérémonie, Airbus a vibré, a montré force et détermination et, surtout, sa cohésion. Les équipes dirigeantes du groupe EADS et d’Airbus sont tournées vers l’avenir, dans le cadre d’une stratégie forte. Et ne sont certainement pas affaiblies par l’échec de la tentative de fusion EADS/BAE Systems. De toute maničre, ce mardi, ce n’était pas le moment de reparler de cet épisode mais plutôt d’adresser un témoignage de respect et d’amitié ŕ Roger Béteille, toujours aussi réservé, un peu étonné qu’on se souvienne de lui, alors qu’il a tant donné ŕ l’aéronautique française et européenne.
Airbus n’oublie pas ses grands anciens et, pour entretenir le souvenir, attribue leurs noms ŕ de grands bâtiments qui sont autant de symboles de réussite. Dans les années 80 était tout d’abord intervenu un choix plus neutre, inattendu, l’usine A330/340 inaugurée par François Mitterrand recevant le nom de Clément Ader. Un choix respectueux d’un passé historique lointain en męme temps que celui d’une gloire locale.
Une autre voie qui a ensuite été retenue. C’est Felix Kracht, le grand organisateur, créateur du Ťsystčmeť Airbus, qui a donné son nom au bâtiment qui abrite les maquettes en vraie grandeur de la gamme avions, ŕ côté du sičge de Blagnac. De l’autre côté des pistes, le trčs beau centre de livraisons porte le nom d’Henri Ziegler (le centre de Hambourg étant appelé Jürgen Thomas), tandis que la FAL A380, sur le site AeroConstellation, s’appelle Jean-Luc Lagardčre.
Le seul fait de revoir Roger Béteille (et son impeccable cravate blanche) a créé l’émotion, nous a rappelé que l’équipe initiale d’Airbus travaillait …dans un petit appartement parisien. Aujourd’hui, l’avionneur compte 60.000 personnes, dont 9.000 recrutées au cours de ces deux derničres années. Et, au-delŕ, partenaires, sous-traitants, fournisseurs, en occupent 160.000 de plus. Roger Béteille apprécie, dit-il, l’honneur qui lui est fait, s’est avoué trčs ému. Mais c’est l’Europe qui le remercie, qui est heureuse qu’il soit encore lŕ pour apprécier cette grande réussite.
Pierre Sparaco - AeroMorning