C’est le message que l’on aurait pu entendre suite au verdict du procès des viols en réunion, s’étant déroulées à Fontenay Sous Bois.
Dans ce verdict, Nina a été reconnue comme victime des viols collectifs qui se sont déroulés de 1999 à 2001. Quatre hommes ont été condamnés avec des peines allant de 3 ans avec sursis à un an de prison ferme et dix hommes ont été acquittés. L’un des avocats des accusés a dit : « Ce n’est pas le procès de la parole des femmes mais de deux femmes. La décision n’est pas tombée du ciel. »
Effectivement, ce verdict n’est « pas tombé du ciel », seulement je ne peux m’empêcher de penser que ce verdict paraît terriblement léger face à la violence et la souffrance vécues par Nina et Aurélie.
Je ne les connais pas, pourtant ces évènements me touchent autant que si elles avaient été des amies, des cousines, des sœurs, des camarades de classe ou des collègues.
Avant le début du procès, elles semblaient « fortes » et « prêtes à faire face » aux accusés et à ce nouveau volet de la machine judiciaire depuis le dépôt de leur plainte, il y a 6 ans. De rencontres avec les médias, de préparations psychologiques et médicales et de soutien de la part de leur famille et de leurs avocates, elles pensaient pouvoir garder la tête haute et se présenter sans honte devant la cour et plus particulièrement devant les accusés.
Et puis leurs carapaces se sont fendillées.
Les débats houleux, la tentative de suicide de l’une qui n’a plus été en mesure d’assister au procès. Les insultes et les moqueries de certains accusés envers elles durant les audiences. Ces éléments et bien d’autres les auront une nouvelle fois fragilisées.
Et puis, il y a les récits de l’enfer qu’elles ont connu qui m’ont bouleversés. Les hommes, dix, vingt, parfois plus qui leur font subir des rapports forcés dans les cages d’escaliers, dans les cours d’immeubles, sur les toits, dans les caves et même dans des aires de jeux d’enfants. La pression, les menaces de mort sur elles et sur leurs familles, si elles osent parler. Au procès, certains accusés diront que c’était des rapports consentis parce que je cite « Nina et Aurélie, c’était les plus grosses putes de Fontenay ». Elles habitent encore dans la résidence où tout s’est déroulé. Une rencontre dans ce quotidien banal avec l’un de leurs agresseurs et c’est le cauchemar qui revient en tête. Comment survivre dans un tel quotidien ?
Avant ce verdict, elles se projettent. Elles jugent qu’une sombre page de leur vie pourra être tourné. Nina ne baissera définitivement plus les yeux devant ces hommes et elle envisage de se lancer dans une formation de maître-chien. Puis la décision de justice arrive et là c’est de nouveau le cauchemar. En lisant plusieurs articles sur cette affaire, je me demandais comment elles avaient pu tenir au cours de cette audience. Je me disais qu’il leur avait fallu une sacrée dose de courage pour briser le silence et pour relever la tête. Je me disais aussi qu’il leur avait fallu des ressources incroyables pour faire appel de cette décision de justice qui vient détruire l’espoir d’une nouvelle vie loin de tout ça.
Alors forcément je ressens tout ça viscéralement.
Je m’énerve parce que je suis convaincue que ce verdict terrorisera des victimes de viols qui souhaiteraient porter plainte. Je m’énerve parce que la honte et l’humiliation portées par une victime de viol n’ont pas lieu d’être, mais pourtant elles subsistent très fortement chez beaucoup. Je suis en colère parce que ce verdict laisse la part belle au fait que oui, peut-être que ces rapports ont été consentis et qu’une suspicion subsiste parce qu’elles se seraient habillées comme ceci ou qu’elles se seraient comportées comme cela. De telles idées sont insoutenables. Je suis hors de moi parce que la parole d’une victime de viol est trop souvent décrédibilisée. Je redoute qu’elles craignent de devoir affronter la machine judiciaire parce qu’elles auront peur d’être une nouvelle fois fracassées. Parce qu’il m’est intolérable qu’une personne ayant été violée ne puisse pas être suffisamment entendue et protégée.
Les avocates des plaignantes ont fait appel. D’ici la tenue d’un second procès, j’espère que le débat concernant les victimes de viol aura avancé. Aujourd’hui, il est important qu’une réelle prise en charge financière et humaine se fasse. Je pense aussi qu’il est nécessaire de considérer une victime de viol comme telle et non plus de la mettre à la place de l’accusé. « La honte doit changer de camp » (citation de Clémentine Autain).
Sans attendre.
Suite à ce verdict, une pétition en ligne a été mise en place par Féministes en mouvement, pour la lire et si vous souhaitez signer c’est par ici.