C’est à la fin de l’année 2006 que je fais connaissance avec le groupe déjà culte Godspeed You! Black Emperor. Avec seulement trois albums à leur actif, le groupe se sera imposé comme une figure incontournable des années 2000. Refusant de participer au traditionnel circuit promo, le groupe a toujours été catalogué comme extrémistes que ce soit dans sa musique ou dans les idées véhiculées. Chaque disque a été l’occasion pour ces 8 Montréalais d’exposer leurs idées sans compromis qui leur vaudra d’être catalogué d’anarchistes, voire de terroristes. Mais à l’époque, je m’en foutais un peu de tout ça, on est à la fin de l’année 2006 et alors que Joanna Newsom sort un des albums les plus marquants de ma petite vie, un second fait irruption : Yanqui U.X.O.
Loin d’être un grand fan de la musique dite post-rock (soit des groupes qui étirent le morceau sur des durées indécentes), rare sont les albums qui m’auront autant touché. Pendant plusieurs mois, Ys et Yanqui U.X.O. auront été mes seuls compagnons. Etrangement ces deux disques se faisaient écho. Hormis la longueur des compositions (oscillant entre 7 et 17 minutes pour YS et de 6 à 22 minutes pour Yanqui U.X.O.), on retrouvait Steve Albini aux manettes avec plus ou moins d’implication. Enfin, et le plus frappant, c’est surtout la tristesse et la beauté que dégageaient chacun de ces disques qui les rapprochaient. Tandis qu’on apercevait une lueur d’espoir dans la musique de Joanna Newsom, Godspeed You! Black Emperor peignait un monde en train de s’écrouler. Tragiques, sans jamais tomber dans le mélo, ces deux disques avaient réussi à me bouleverser, les faisant ainsi rentrer dans mon panthéon personnel. Malheureusement, alors que Joanna Newsom continue son épopée folk (un excellent troisième et triple album de deux heures est paru en 2010), Godspeed You! Black Emperor avait annoncé sa séparation en 2003. Fatigué par le cercle infernal des tournées et en absence d’un discours fort, ils avaient préféré se séparer.
Laissant un trône vacant, une multitude de groupes post-rock nés sur les cendres de ces Canadiens devenus sacrés tenteront de s’imposer comme le nouveau chef de file en vain. Pas une larme, pas un frisson, rien. Seul Godspeed You! Black Emperor aura été capable de provoquer en moi des sensations aussi fortes. Les années passèrent et l’intérêt pour ce genre faiblit au point de s’en désintéresser totalement mais la surprise vint en 2010 quand le groupe annonça se reformer pour une poignée de concerts. Bien que tous espéraient voir le retour de cette formation avec un cinquième album studio, le groupe, qui n’est pas du genre à enregistrer pour le plaisir, laissait les fans dans le doute. Mais v’la t’y pas que le 1er octobre on apprend que le groupe a enregistré un nouvel album! Et qu’ils le vendent déjà sur le lieu de leurs concerts! Et qu’il sera disponible le 15 octobre pour tout le monde!
Une fois de plus tout y est question d’ambiance, Godspeed You! Black Emperor ne fait pas des disques qu’on écoute au boulot en fond sonore mais avec un casque en ne faisant rien de préférence. L’absence de chant permet de mieux atteindre cet état contemplatif et de s’évader dans cette musique qui a sûrement le don de véhiculer en chacun de nous une imagerie différente. We Drift Like Worried Fire, sommet de l’album, est sans aucun doute la chanson qui va le mieux dans ce sens. C’est d’ailleurs le titre qui nous ramène le plus vers Yanqui U.X.O. Moins enragé, malgré certains passages pleins de fougue, on retrouve cette mélancolie presque latente provoquée le plus souvent par le violon tragique de Sophie Trudeau. Cependant, on ne retrouve pas cette impression de défaitisme, jamais les Montréalais ne baissent les bras et l’instrumentation plus combattive est là pour nous le rappeler. Martelant leurs instruments avec frénésie, le collectif nous rappelle le titre de leur album : Don’t Bend! Ascend!
Bien que l’album ne soit pas aussi fort que son prédécesseur, que les chansons étaient déjà connues pour la moitié d’entre elles, Godspeed You! Black Emperor fascine encore les foules. En ces temps pas toujours folichons, les Canadiens nous rappellent le même slogan scandé à Wall Street, à Madrid ou encore par papy Hessel : Indignez vous, battez vous, révoltez vous... Plus qu’un nouveau cri s’élevant à travers 'Allelujah! Don't Bend! Ascend!, Godspeed You! Black Emperor en signe la bande son idéale.
Label : Constellation
Sortie le : 15 octobre 2012
2 titres en écoute à droite
Pour :
Goûte mes disques
Mowno
Indiepoprock
Bubzine
Welcome To Nebalia
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Couci-couça :
Bon pour les oreilles
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Contre :
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