Celui qui mettra sa vie
Sous la garde du Très-Haut,
Repoussera de l’envie
Lé plus dangereux assaut.
Il dira : Dieu redoutable,
C’est dans ta force indomptable
Que mon espoir est remis :
Mes jours sont ta propre cause ;
Et c’est toi seul que j’oppose
À mes jaloux ennemis.
Pour moi dans ce seul asile,
Par ses secours tout-puissants,
Je brave l’orgueil stérile
De mes rivaux frémissants.
En vain leur fureur m’assiège,
Sa justice rompt le piège
De ces chasseurs obstinés :
Elle confond leur adresse,
Et garantit ma faiblesse
De leurs dards empoisonnés.
Ô toi que ces cœurs féroces
Comblent de crainte et d’ennui !
Contre leurs complots atroces
Ne cherche point d’autre appui.
Que la vérité propice
Soit contre leur artifice
Ton plus invincible mur.
Que son aile tutélaire
Contre leur âpre colère
Soit ton rempart le plus sûr.
Ainsi, méprisant l’atteinte
De leurs traits les plus perçants,
Du froid poison de la crainte,
Tu verras tes jours exempts :
Soit que le jour sur la terre
Vienne éclairer de la guerre
Les implacables fureurs ;
Ou soit que la nuit obscure
Répande dans la nature
Ses ténébreuses horreurs.
Quels effroyables abîmes
S’entr’ouvrent autour de moi !
Quel déluge de victimes
S’offre à mes yeux pleins d’effroi !
Quelle épouvantable image
De mort, de sang, de carnage,
Frappe mes regards tremblants !
Et quels glaives invisibles
Percent de coups si terribles
Des corps pâles et sanglants !
Mon cœur, sois en assurance ;
Dieu se souvient de ta foi ;
Les fléaux de sa vengeance
N’approcheront pas de toi.
Le juste est invulnérable :
De son bonheur immuable
Les Anges sont les garants ;
Et toujours leurs mains propices
À travers les précipices
Conduisent ses pas errants.
Dans les routes ambiguës
Du bois le moins fréquenté,
Parmi les ronces aiguës,
Il chemine en liberté.
Nul obstacle ne l’arrête :
Ses pieds écrasent la tête
Du dragon et de l’aspic :
Il affronte avec courage
La dent du lion sauvage,
Et les yeux du basilic.
Si quelques vaines faiblesses
Troublent ses jours triomphants,
Il se souvient des promesses
Que Dieu fait à ses enfants.
À celui qui m’est fidèle,
Dit la Sagesse éternelle,
J’assurerai mes secours
Je raffermirai sa voie,
Et, dans des torrents de joie,
Je ferai couler ses jours.
Dans ses fortunes diverses
Je viendrai toujours à lui ;
Je serai dans ses traverses
Son inséparable appui :
Je le comblerai d’années
Paisibles et fortunées.
Je bénirai ses desseins :
Il vivra dans ma mémoire
Et partagera la gloire
Que je réserve à mes saints.
Jean-Baptiste ROUSSEAU (1671-1741).
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