« S'il y avait un Diable, la foi serait sa plus belle invention. »
Bonne ou mauvaise nouvelle, le messie est (re)venu. Il vit à New-York, s'appelle Ben Zion Avrohom et possède une vision personnelle, pour le moins décomplexée, de Dieu et du monde.
La couverture, le titre, l'aspect des pages tachetées rouge-sang, rien ne m'incitait à ouvrir ce livre, si ce n'est son excellent sujet. N'est-ce pas suffisant ?
Les écueils étaient tellement nombreux qu'il est impossible de tous les énumérer. James Frey aurait dû lamentablement se casser la figure. Non seulement, il n'en est rien mais l'auteur s'est plié à un exercice de style particulièrement brillant.
Chaque chapitre est une parole données aux protagonistes, aux apôtres, de cette histoire. On découvre la vie, les idées, le parcours de Ben Zion et l'impact qu'il possède sur les personnes qui croisent sa route.
James Frey réussi à aborder des sujets très vastes et démonte page par page le carcan de la religion dans lequel les hommes se sont eux-mêmes installés. Sa vision spirituelle est résolument ancrée dans notre époque. Blasphématoire pour les uns, déculpabilisante pour les autres.
Le lecteur oscille entre la complexité ou la simplicité du personnage. La grande force du roman réside, à mon sens, dans le fait que Ben Zion ne déclare à aucun moment qu'il est le fils de Dieu. Tel un flot tranquille, il poursuit son chemin, pourtant tumultueux, en déversant sa parole, ni bonne, ni mauvaise, juste la sienne. Gourou ambigu des temps modernes. Et vous, si vous aviez croisé sa route, qu'auriez-vous pensé ?
La démarche est sincère, aucune provocation gratuite ou désir de polémique. Un roman fort, brillant, triste, grinçant, intelligent. Une jolie claque.
Flammarion, 381 pages, 2011
Extrait
« Il n'y a pas de parole de Dieu sur terre. Ou sinon, on ne la trouve pas dans les livres.
Alors où la trouve-t-on?
Dans l'amour. Dans le rire des enfants. Dans un cadeau. Dans une vie sauvée. Dans le silence du matin. Dans le bruit de la mer, le bruit d'une voiture. On la trouve dans n'importe quoi, n'importe où. C'est le tissu de nos vies, de nos sentiments, des gens avec qui nous vivons, des choses que nous savons être réelles.
J'ai foi en la vérité des livres, et je crois que je serai récompensé de cette foi.
C'est ton choix.
J'ai foi en la vérité des histoires de ces livres.
Et c'est aussi ton choix, mais c'est le choix des imbéciles.
La foi est pour les imbéciles ?
La foi est l'excuse des imbéciles.
La foi est un don de Dieu.
La foi est ce que tu utilises pour opprimer, pour nier, pour justifier, pour juger au nom de Dieu. La foi est ce qui a été utilisé comme moyen de rationaliser le mal plus que toute chose au cours de l'histoire. S'il y avait un Diable, la foi serait sa plus belle invention. »