Sortira, ne sortira pas ? La question du sort de la Grèce dans la zone euro n’est toujours pas tranchée. Et cela dure depuis près de deux ans. Angela Merkel l’a encore dit aujourd’hui : la Grèce doit garder la monnaie unique. Même son de cloche chez François Hollande : la Grèce « doit être assurée de rester dans la zone euro », a-t-il déclaré hier dans les colonnes du Monde.
Alors, la question de la sortie de la Grèce de la zone euro est-elle surannée ? Pas du tout si l’on croît plusieurs économistes de renom. Megan Greene, la chef économiste Europe chez Roubini Global Economics, le centre d’étude fondé par Nouriel Roubini, le professeur d’économie new-yorkais qui a prédit la crise financière de 2007, estime qu’Athènes pourrait lâcher l’euro courant premier semestre 2013. Explication : l’austérité créée une « décennie de dépression » économique.
Une sortie de la zone euro « très probable »
Willem Buiter, ancien banquier central britannique et actuellement chef économiste global chez Citigroup, lui, juge que la Grèce a encore 60% des chances de sortir de la zone euro. Une date ? Courant 2014, après les élections législatives allemandes de la fin de l’an prochain. Même dans les milieux institutionnels européens on trouve des responsables gouvernementaux sceptiques. Le Ministre des finances suédois, l’ancien banquier central Anders Borg, sacré meilleur Ministre des finances de la planète en 2011 par le Financial Times, anticipe que la une sortie de la Grèce de la zone euro dans les six mois est « très probable ». Des avis qualifiés qui relancent le débat sur les coûts d’une éventualité de cette nature.
Deux économistes d’outre-Rhin, Thieb Petersen et Michael Böhmer, se sont livrés à cet exercice pour la Fondation Bertelsmann et Prognos AG, une société de conseil économique. Le défaut de la Grèce et son abandon de l’union monétaire aurait, en soi, des « effets mineurs » sur l’économie mondiale, résument les experts allemands. Il en irait tout autrement en revanche des conséquences indirectes sur les marchés financiers.
Récession mondiale « sévère »
Si Athènes périclite, la confiance des investisseurs dans les marchés des capitaux espagnol, italien et Portugais en prendrait un gros coup. Conséquence : ces trois pays européens s’achemineraient à leur tour vers la banqueroute entraînant une récession mondiale « sévère ». La crise économique globale qui suivrait réduirait la croissance des 42 principales économies de la planète (environ 90% du PIB mondial) de 17.200 milliards d’euros entre 2013 et 2020.La contagion grecque passerait tout d’abord par les budgets des Etats européens. En cas de défaut, les prêts qui lui ont été consentis ne seraient plus remboursés. Les prêts aux entreprises grecques prendraient le même chemin d’une décote de 60% de leur valeur nominale. A la fin de la décennie, la faillite de la Grèce aurait coûté à l’Allemagne 64 milliards d’euros en dépréciations de créances et 73 milliards d’euros en croissance.
Si le défaut d’Athènes était suivi par ceux des trois autres pays d’Europe méridionale en difficulté, la note allemande serait de 455 milliards d’euros pour les prêts dépréciés et de 1707 milliards d’euros pour le manque de croissance. Les montants respectifs pour le reste de la zone euro sont aussi impressionnants : 216 milliards d’euros de dépréciations et 239 milliards d’euros de croissance moindre si la Grèce seule fait faillite et 1180 milliards d’euros plus 5383 milliards d’euros dans le cas extrême de banqueroutes en série.
Bien évidemment, la crise profonde et prolongée de l’Europe, la première zone économique mondiale, plongerait le reste du globe dans la dépression. La France serait le pays qui en souffrirait le plus avec un prix à payer de 2900 milliards d’euros. Elle devancerait de peu les Etats-Unis (2800 milliards d’euros), la Chine (1900 milliards d’euros) et l’Allemagne (1700 milliards d’euros). Un scénario catastrophe à éviter absolument, concluent les deux économistes.
Source: Les Echos