« Les derniers jours de Stefan Zweig »… Amour et Estime de soi..

Publié le 21 octobre 2012 par Artyficielles

Je sors d’une magistrale leçon de vie..

Invitée en matinée à la pièce « Les Derniers jours de Stefan Zweig », auteur que j’adore, je m’attendais à tout sauf à ce que j’ai ressenti..

La pièce de Laurent Seksik, aux dialogues ciselés, relate les six derniers mois de l’écrivain Stefan Zweig et de sa seconde épouse Lotte, exilés très tôt dès 1933 avant l’Holocauste. Passés successivement par l’Angleterre et les États-Unis après avoir fui l’Autriche, Stefan et Lotte ont cru fouler au Brésil une terre porteuse d’avenir, de septembre 1941 à février 1942. La pièce commence au moment où ils emménagent à Petropolis.

Peu à peu.. et même pas à pas, le spectateur pénètre dans la vie d’un couple confondant de disparité et de complémentarité :

Lui : grand humaniste, écrivain connu et reconnu de son vivant, sombre et désespéré, n’assumant pas cette dimension visionnaire l’ayant poussé à fuir l’Autriche très tôt avant la montée du nazisme. Un être d’une intelligence extrême mais noyé par sa faiblesse de n’avoir pas eu le courage de rester pour se battre, morbide, sinistre, empreint d’un sentiment de culpabilité de vivre et d’impuissance face à l’horreur du génocide : honte qu’il s’avoue la nuit, seul à lui-même, ou bien s’adressant à ses fantômes..

Incarné par un Patrick Timsit magistral, sorti de son registre comique habituel et que l’on à peine à reconnaître dès son entrée en scène tant il est habité par la noirceur de son personnage..

Elle : Lotte son ancienne secrétaire, en admiration devant le génie et la notoriété de son époux, lui est diamétralement opposée : bien plus jeune, fragile souffrant d’asthme, extrêmement courageuse, éprouvant un amour d’une force et d’une profondeur qui nous font croire qu’elle va gravir et surmonter cette montagne de désespoir et d’auto-destruction qu’est Zweig.. Elle est consciente de ne pas avoir sa dimension intellectuelle, mais met, en dépit de son handicap physique, toute son énergie et sa conviction à le dérider et tenter d’apporter un tant soit peu de lumière à cet être des ténèbres. Elle s’accroche à cette illusion, lutte contre ses douleurs, mais la noirceur de Zweig la vide peu à peu de son sang et de sa force ; elle tente de s’y soustraire.. mais finit par choisir d’en mourir. Acte suprême de son renoncement à la Vie en gage de son Amour pour lui, Lotte accompagnera Zweig dans le suicide commun que ce dernier a élaboré pour mettre fin à leurs jours le 22 février 1942.

Elsa Zylberstein, pleine de son rôle, d’une maigreur à faire peur, m’a émue pendant toute la pièce par la richesse de son jeu, la véracité de son personnage entre force et désespoir.

Cette terrible rencontre d’Eros et Thanatos, pulsion de Mort qui l’emporte encore cette fois, m’a bouleversée.. L’absence d’Estime de Soi ne peut vraisemblablement pas être suppléée par l’Amour de l’Autre.

Lotte aurait pu choisir la Vie mais.. tout est affaire individuelle de choix..

Une mention enfin au troisième personnage de la pièce : Ernst Feder ami de Stefan Zweig ancien rédacteur en chef du Berliner Tageblatt, aussi magistralement interprété par Jacky Nercessian qui apporte une bouffée l’oxygène à ce tête-à-tête à la limite de l’étouffant.

A ne surtout pas manquer !