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Juste en cet instant,quelques mots jetés en offrande à ce magnifique hasard auquel je refuse de croire…
Vendredi matin, à la Foire de Lyon. Venue pour visiter le pavillon de l’Inde, venue sans savoir que Raghunath Manet se produisait ce jour-là. Le
danseur adulé autant par les Indiens que par un public hétérogène, peu familier des codes de la danse indienne. Une star. Terme qu’aurait abhorré son
maître, Ram Gopal, dont il est le fils spirituel et duquel il reçu les enseignements du bharata-nâtyam.
Ram Gopal…Et je comprends soudain que, décidément non, le hasard n’est pas convié ce jour-là. C’était en 1998. Je venais de rentrer d’Israël. Laissant momentanément mon travail de
journaliste de côté, je me lançais dans une mission d’attachée de presse pour une compagnie de théâtre. C’est ainsi que je rencontrais un réalisateur, Denis Lazerme, avec lequel je nouais rapidement des liens d’amitié. Il venait de terminer un film sur et avec Ram Bopal et projetait de partir à Bangalore, avec moi,
si je le souhaitais, pour rencontrer de nouveau le maître, déjà très âgé.
Ce documentaire, flamboyant, « Rien qu’un Soleil », je l’intégrais au plus profond de mon être. C’était l’Inde, déjà, Pondichéry, la danse indienne, le kathakali, entre autres, qui peu
à peu, habitèrent un espace protégé de ma mémoire. Nous ne pûmes aller à Bangalore, à la rencontre de Ram Gopal, malade, épuisé même, mais je garde
encore le souvenir de la conversation téléphonique que j’eus avec lui, du souffle mystérieux de sa voix, dont je ne puis aujourd’hui m’empêcher de penser qu’il fut inconsciemment à l’origine du
manuscrit que j’achevais récemment. Qui se passe en Inde, à Pondichéry, entre autres, et qui raconte l’histoire de deux danseurs de kathakali. Qui, comme Raghunat Manet, voulurent moderniser
cette danse, mais qui, eux,le payèrent de leur vie.
J’attendis que Raghunat descende de scène pour saluer son public. Puis il accepta le petit entretien que je sollicitais et nous eûmes un bel échange, évoquant, entre autres, son maître, qu’il rencontra à Londres, presque à la fin de sa vie. Partagea un temps et un espace sacré, celui de
la transmission du maître au disciple. Notion chère à Ram Gopal. Il était à ses côtés, aux derniers instants, à Bangalore, pour l’accompagner de « l’autre côté du miroir ». Et Ram Gopal
est désormais présent spirituellement à chaque acte sacré de sa vie. La danse en est un. .
Lorsque j’ai quitté Raghunat Manet, j’entendais de nouveau la voix de Ram Gopal et je ressens désormais que ce livre
que j’ai écrit, en croyant qu’il venait de mon seul imaginaire, porte en filigrane la résonance de cette voix. Et que ce livre sera publié. Parce qu’il en est ainsi.