Ce jeudi 18 octobre, en écoutant France Info, j'ai été particulièrement frappé d'entendre ce reportage consacré à la place inexistante de l'écologie dans le projet de loi de finances pour 2013. Pour résumer, il semble qu'en période de crise l'actuelle majorité de gauche, comme hier celle de droite, considère que l'écologie ne soit pas compatible avec la réduction de la dette publique et la lutte contre le chomage. L'écologie c'est pas pour maintenant mais pour demain, si les choses vont mieux. Une fois de plus, l'engagement du Grenelle de l'environnement de ne plus opposer écologie et économie est violé par l'Etat lui-même.
Au demeurant, l'examen en cours du projet de loi de finances n'est qu'un exemple de plus de ce que la greffe de l'écologie ne prend pas au sommet de l'Etat alors qu'elle progresse - fort heureusement - dans les entreprises et les collectivités territoriales. Inutile de revenir ici sur les propos tenus par l'ancien Président de la République lors d'un salon de l'agriculture et qui ont été traduits par "l'écologie ça commence à bien faire". Pour l'actuel Président de la République, certes récemment élu, l'écologie ne semble pas non plus constituer une priorité absolue. Et ce malgré le discours d'ouverture de la conférence environnementale des 14 et 15 septembre. Du limogeage de la ministre de l'écologie en plein sommet de la terre en passant par l'injection de 300 millions d'euros dans une vaine et polluante tentative de baisse des prix du carburant : le développement durable serait-il passé de mode ? La question se pose à l'écoute d'un Premier ministre qui défend un projet anachronique d'aéroport à Notre Dame des Landes, d'un ministre du redressement productif qui ne parle pas de l'industrie verte ou du ministre de l'économie qui ne parle jamais de fiscalité verte, de contribution climat-énergie, de chèque vert, de niches polluantes.
Et pourtant... la hausse du prix des énergies de stock, la nécessité de changer les usages de l'énergie ou des transports, le désir d'échanges et de collaborations, le réveil des territoires, l'attention portée au lien entre santé et environnement : notre société change bien plus vite que certains politiques, malgré ses contradictions ou ses résistances.
En définitive, l'écologie comme la politique apparait malade d'un clivage droite gauche, artificiellement entretenu pour des motifs électoraux par les institutions de la Vème République mais intellectuellement vide de sens. Qu'il s'agisse de l'europe, de la fiscalité, de la sécurité, de l'écologie : les clivages, les débats, ne s'organisent plus sur la logique binaire droite/gauche que nous connaissons. Les lignes de fractures, les enjeux, les oppositions ne s'articulent plus sur la frontière censée séparer la droite de la gauche. Il s'en serait temps d'en changer et d'adapter nos institutions en conséquence. En commençant par l'europe.
Malheureusement, quels que soient leurs mérites et leurs compétences et à l'exception de quelques réformes, les écologistes qui choisissent d'aller à droite ou à gauche ne parviennent pas ou plus à faire oublier aux "grands partis" leur nostalgie des trente glorieuses, âge d'or supposé d'une économie fondée sur la croissance et la consommation, mais sans état d'âmes pour le gaspillage de ressources naturelles limitées. Les écologistes de gauche, même membres du gouvernement, n'ont pas encore réussi à faire admettre au parti majoritaire que le développement durable n'est pas un simple supplément d'âme du logiciel productiviste. En face, à l'instar de Chantal Jouanno qui avait rédigé une note sur "les principes d'une écologie de droite", les écologistes n'ont pas réussi à entretenir le souffle du Grenelle.
Alors que faire ? Bien des hypothèses peuvent être formulées. Une première option peut être de penser que l'Etat n'avancera qu'à la remorque d'autres acteurs, dont les entreprises. D'où le désintérêt pour la politique nationale de nombreux acteurs du développement durable que je peux croiser. Une deuxième option est de prendre son mal en patience et de continuer à tenter de faire évoluer les "grands partis" en agissant de l'intérieur ou à leur immédiate périphérie. Une troisième option serait de penser que chacun ne doit agir qu'en fonction de sa propre expertise, sans engagement politique prérequis. Bien des écologistes associatifs estiment pareillement que franchir la porte d'un parti politique ne sert pas la cause. Je l'avoue, cette option constitue souvent ma tentation, en me consacrant à la pratique du droit de l'environnement auprés des entreprises et collectivités clientes de mon cabinet. Une autre option enfin est de réflechir à un engagement politique fondé sur le refus d'un clivage obsolète et d'une nostalgie totalement révolue. Réfléchissons.