Ces femmes qui ne parlent pas assez

Publié le 30 mars 2008 par Raymond Viger

Ces femmes qui ne parlent pas assez

(Agence Science-Presse) – C’est probablement l’une des croyances les plus fermement ancrées de la guerre des sexes: les femmes parlent plus que les hommes. N’est-ce pas?

Et pourtant, cette croyance ne s’appuie sur rien de tangible. Au contraire, en 2007, deux études, l’une provenant de l’Arizona, l’autre de la Californie, ont conclu la même chose: dans une journée typique, hommes et femmes parlent à peu près autant. Les chercheurs ont même calculé le nombre de mots!

- Matthias Mehl, psychologue de l’Université de l’Arizona à Tucson. Son équipe a enregistré les conversations d’étudiants entre 1998 et 2004 —l’intention initiale était de comprendre l’influence du dialogue sur la bonne santé psychologique. Résultat: femmes – en moyenne 16 215 mots par jour. Hommes – 15 669 mots. Une différence insignifiante.

- Campbell Leaper et Melanie Ayres, de l’Université de Californie à Santa Cruz. Ont combiné les résultats de plus de 60 études sur les propos échangés dans une journée. Résultat : à peu près autant de mots de part et d’autres —en fait, ce sont les hommes qui passent en tête! De peu, mais tout de même.

Un préjugé sexiste?
La croyance ne serait-elle donc rien de plus qu’un préjugé sexiste? C’est ce qu’affirmait un article du New Scientist (Mega Mouthy, réservé aux abonnés) publié pendant le temps des Fêtes —moment propice, s’il en est, pour mesurer la quantité de mots échangés… sans parler de la qualité des propos.

« C’est probablement du sexisme, insiste Campbell Leaper. C’est une façon de diminuer la contribution des femmes. Cela implique que si elles parlent, ce qu’elles disent a peu d’importance. »

Même quand c’est examiné dans les meilleures intentions, il demeure courant d’établir des distinctions faciles entre les sexes —la popularité du livre Les hommes sont de Mars, les femmes de Vénus, en est une manifestation. Un autre best-seller, Why Men Don’t Listen and Women Can’t Read Maps, a vendu 12 millions de copies!

Le mythe de la femme qui parle beaucoup a de plus été au coeur de plusieurs livres très sérieux, dont The Female Brain, un ouvrage signé en 2006 par un neuropsychiatre, qui affirmait —sans citer ses sources— que les femmes prononcent 20 000 mots par jour, contre 7000 pour les hommes. Et le mythe ouvre des avenues ridicules, poursuit le New Scientist: le co-auteur de Why Men Don’t Listen…, Allan Pease, a déclaré en 2004 sur les ondes de CNN que non seulement les hommes prononcent moins de mots dans une journée mais qu’en plus, c’est là une affaire de quotas! Autrement dit, lorsqu’ils ont atteint leur «total quotidien», ils se taisent, ce qui expliquerait que dans des soirées, on les entende moins!

Certes, il peut bel et bien y avoir des différences d’un sexe à l’autre. L’étude menée par Leaper et Ayres suggère par exemple que le contexte est important: de quoi parlent-ils et avec qui parlent-ils. Enfin, il y a au moins un stéréotype qui semble encore vrai: les femmes parlent plus souvent de mode et de relations sociales, et les hommes parlent plus souvent… de sport et d’argent.

Encadré
L’écart le plus étonnant n’est pas entre les sexes, mais entre le taciturne et le volubile. Dans l’étude de Matthias Mehl, la personne la plus discrète prononçait 700 mots par jour et la plus expansive… 47 000 mots. Soit —si on soustrait les heures où elle dort— une moyenne de 50 mots par minute!