En ces temps de mondialisation débridée, il y va de la littérature, comme des produits de consommation et même comme de la musique!
Il faut créer des produits qui se vendent partout : ainsi a-t-on inventer la word-music qui est appréciée dans toutes les chaines de radios et surtout sur toutes les pistes de danses! Et on est arrivé à ce que l’on pourrait appeler la “word-littérature“, ce genre de livres que l’on lit un peu partout dans le monde sans que personne puisse trouver à ces œuvres le début de commencement d’une quelconque valeur littéraire.
Certains auteurs plongent d’emblée dans le genre et se construisent une renommée planétaire à partir de rien! Les exemples foisonnent et je n’en retiendrai que le suédois Stieg Larsson avec son MILLENIUM ou tout récemment la britannique E.L. JAMES et ses CINQUANTE NUANCES DE GREY, ou avant eux Dan Brown et son DAVINCI CODE.
D’autres essaient de transformer leur talent avéré de grand écrivain en machine à succès : c’est le cas de l’algérien Yasmina KHADRA.
Au début auteur obscur, officier de l’armée algérienne, qui par mesure de sécurité, publiait sous le nom de sa femme, Yasmina KHADRA a marqué la littérature francophone par une série de livres sur la guerre civile qui a traumatisé son pays dans les années 1990.
L’un des ses personnages les plus attachants est le Commissaire LLOB, qui nous a fait entrer dans les méandres d’une Algérie par la guerre entre les autorités et les islamistes.
Les premiers romans de Yasmina KHADRA lui ont ouvert les voies du succès et d’une inspiration nouvelle.
De l’Algérie, il est passé à d’autres horizons aussi dramatiques : le Liban, l’Afghanistan, l’Irak, avant de revenir en Algérie, celle d’aujourd’hui et celle d’hier.
Mais au fur et à mesure que le succès de Yasmina KHADRA grandissait – il est traduit en 40 langues, deux de ses romans sont adaptés pour le cinéma – son inspiration semble se tarir.
Je l’ai déjà écrit sur cet espace : ici et là!
Et son dernier opus semble confirmer la tendance baissière de son talent d’écrivain, malgré les articles mielleux des critiques littéraires parisiens.
La question demeure pourtant posée : L’EQUATION AFRICAINE , paru en 2011 chez JULLIARD et en 2012 en édition Pocket est-il un bon roman?
Ainsi lit-on sous la signature d’un journaliste de L’Express cette aimable appréciation : “Avec son immense talent de conteur, Yasmina Khadra nous jette dans une Afrique orientale déboussolée”.
Si les critiques parisiens se pâment devant l’opus de Yasmina Khadra, ma réponse, comme celle de beaucoup d’internautes indépendants, est sans ambiguïté : NON!
Le sujet est parfait, par son actualité et les possibilités qu’il offre.
Mais Yasmina KHADRA n’est parvenu pas à m’embarquer dans les aventures de ces deux otages allemands, enlevés par des pirates au large de la Somalie, trimbalés comme de la marchandises par des trafiquants, mi-guerriers mi-brigands, confrontés à une Afrique et des africains inspirés par ce que décrivent les prétendus grands reporters de Paris-Mactch.
Les situations sont soit attendues soit complètement rocambolesques, ce qui enlève tout intérêt au récit!
Les personnages pèchent par un manichéisme primaire : d’un coté les gentils blancs, de l’autre les méchants africains, d’un coté les blancs utiles et de l’autre les africains inutiles ou nuisibles.
Les décors sont stéréotypés : le désert doit être facile à décrire quand on l’a pas traversé. Pour évoquer une tempête de sable, il suffit par exemple de parler de “boite de pandore qui déverse sur le monde d’incessantes bourrasques de de colères et de sortilèges”. Comme banalité, on ne fait pas pire.
Les répliques des personnages pataugent parfois dans une platitude incompatible avec la prétendue tragédie des situations : comme “le courage tout court c’est de croire en soi” ou bien “l’Afrique ne voit pas, elle se sent”. Ben voyons….
Le style de Yasmina KHADRA a perdu beaucoup de sa verve du début mais l’auteur pense toujours que recourir à certains mots rares ou compliqués est une preuve de talent! Simple caprice d’un auteur qui veut montrer qu’il domine la langue française ou complexe d’écrivain qui utilise une langue qui n’est pas la sienne! En tout cas, je ne vois pas l’intérêt d’utiliser un qualificatif comme “cachectique” pour un corps d’une maigreur extrême ou recourir au vocable “faillitaire” – qui semble bien être une création de l’auteur – pour une Afrique en grande difficulté. Pourquoi accoler “pandémonium” à ” fracas” et “opacités” alors que ce mot si recherché porte déjà en lui l’idée d’enfer!
En fin de compte que j’ai eu beaucoup de peine à terminer ce roman : je ne voulais pas en abandonner la lecture, espérant à chaque page retrouver, en vain, le Yasmina Khadra qui nous parlait de l’Algérie déchirée et ensanglantée.
Je crois que Yasmina Khadra a déjà donné le meilleur de lui-même en tant que romancier : il devrait s’orienter soit vers un autre genre soit renoncer à écrire. Il serait dommage que ses œuvres à venir soient destinées juste à satisfaire les critiques qui lui sont acquis et à alimenter son compte en banque.
En conclusion, je conseillerai donc à Yasmina KHADRA de relire et surtout de méditer cette phrase de l’un ses personnages dont le grand-père disait : “La littérature, c’est à peu près cà : trouver une histoire à chaque chose et faire en sorte qu’elle suscite l’intérêt”.