L’obésité résulte d’un trouble de la conduite alimentaire, une fois qu’on on a éliminé les causes hormonales (hypothyroïdie, hypogonadisme etc) et les causes de rétention hydrique (insuffisance cardiaque, rénale, hépatique) qui augmentent le poids corporel.
Il y a inadéquation entre l’apport énergétique et les dépenses. La personne obèse ne sait plus réguler.
C’est un symptôme et non une maladie même si ses effets secondaires ont des retentissements sur l’organisme.
Traiter le symptôme, soit le poids trop élevé, c’est comme donner de l’aspirine à une personne qui a de la fièvre. Cela n’aura aucune efficacité sur la maladie sous-jacente. La personne aura une fausse impression de guérison. La prise en charge du problème en sera retardée, et de ce fait souvent aggravée.
Les gourous du régime sont les champions de cette méthode, d’où les résultats désastreux sur l’organisme et le psychisme à plus ou moins long terme.
Entendre la souffrance de l’obèse, avoir de l’empathie est nécessaire mais insuffisant.
Le symptôme occupe toute la place. Il envahit la personne. Le traiter en tant que tel, revient de la part du « soignant » à se laisser envahir par lui. Il occupe ainsi une position symétrique à celle de son patient, d’où le risque d’être entrainé dans une spirale ascendante.
Changer le regard de l’obèse sur son symptôme est une façon d’échapper au cercle vicieux dans lequel il se trouve piéger et dans lequel il vous entraîne. L’obèse qui veut maigrir est envahi corporellement et psychiquement par son poids. Il est obsédé par les aliments, le calcul calorique, ses yeux sont rivés sur la balance et le pèse-personne qui lui rappellent son poids en permanence. Ces trois derniers éléments qu’ils manipulent plusieurs fois par jour lui occupent sans répit l’esprit et aggravent la dimension obsessionnelle du symptôme. Ils sont considérés comme contenant par le sujet alors qu’ils le brident encore plus.
Plus l’obèse veut se libérer de son poids, plus il renforce son esclavage à son égard.
Il n’y a pas de parallélisme entre la gravité d’un symptôme et la gravité du problème sous-jacent.
La plus grande difficulté est d’amener l’obèse (voir aussi le « soignant ») à pouvoir concevoir, ou au moins entre-apercevoir la fonction protectrice de son symptôme.
L’obésité est la conséquence d’un mal-être et non sa cause. Le mal de vivre est combattu par l’ingestion de vivres. C’est ce que la personne a trouvé comme moyen pour s’apaiser. Lui ôter ce symptôme, c’est la laisser nue face à sa souffrance. Celui qui exprimera ouvertement cette opinion se fera jeter comme un malpropre. Comment, en effet, considérer cette masse de graisse comme une amie alors que l’obèse la hait : Elle est la cause de tous ses malheurs, elle le conduit à passer à côté de sa vie. Elle lui fait honte, l’isole, engendre le mépris, la risée, le rejet.
« Protecteur ce tas de graisse, mais vous marchez sur la tête, allez donc vous faire soigner ! » sera une réponse logique à cette assertion.
Lui proposer des images est une technique intéressante. En introduisant une tierce personne ou autre, il est mis à distance et pourra plus facilement laisser l’image se glisser dans son esprit. Il a la possibilité de la prendre ou non. C’est lui qui décide et non son interlocuteur qui décide pour lui. Le plus souvent, il modifie ces images. Il les prend ainsi sans les prendre, en créant une nouvelle image qui dérive de la première mais dont il est l’auteur. Il devient ainsi son propre soignant.
Cette dimension est très importante. Lorsque l’obèse prend rendez-vous pour « traiter » son poids, l’interlocuteur, le professionnel est considéré comme « celui qui sait ». Il est mis en position haute par le patient avec, comme obligation, de réussir là où lui-même a échoué. Qui apprécie cet aveu de faiblesse ? Personne. La lutte promet d’être rude…
« Plus le singe monte à l’arbre, plus il montre ses fesses » est un proverbe chinois, très évocateur…
L’image permet d’éviter ce piège, en changeant de cadre.
Quelle image ? Cela pourrait-être :
S’il fait froid chez elle, une personne va se couvrir d’un pull, de deux, voir d’une veste en laine supplémentaire et c’est bien normal. Ces vêtements l’engoncent, limitent ses mouvements. Elle devient plus statique et se couvre encore plus car rester immobile donne froid. Les quitter une fois pour toutes et retrouver sa liberté d’action, voilà son désir le plus cher.
Il y a aura toujours des personnes qui seront à son écoute et l’« aideront » à arracher de force ses vêtements dont elle ne peut se séparer(1). Passée la période d’euphorie où elle retrouvera une vie plus active, car l’euphorie lui aura fait croire que la température est remontée, ne risque-t-elle pas, au final d’avoir encore plus froid et de rajouter une écharpe, voir un bonnet à sa tenue initiale(2) ? BRRRRR, quel froid !
Ne serait-il pas préférable de chercher à remonter la température de son intérieur ? Si une personne, un chauffagiste, pouvait voir avec elle comment arriver à cela, ne serait-elle pas plus encline à délaisser d’elle même sa veste, et peut être un de ses pulls(3)?
Cette image est parlante. La personne la prend ou elle la refuse. Vous l’aurez étonnée, intéressée, mais vous ne l’aurez pas agressée. Sa liberté est intacte, la vôtre aussi.
Si la personne adhère à cette image, vous pourrez poursuivre :
Et si j’étais ce chauffagiste ?
Soit elle vous prend pour un fou avec cette proposition débile, et elle vous coupe de suite la parole. Un chauffagiste !! Vous passerez pour un malade qui doit se traiter. Elle s’en sortira grandie (après avoir ou non claqué la porte), en position haute, mais elle gardera cette image à l’esprit qui pourra ensuite faire son chemin d’autant plus facilement qu’elle lui aura barré la route. Cette obstruction la conduira à chercher plus ou moins consciemment toutes les raisons pour le justifier et donc à y repenser. Elle vous aura mis en position basse mais celle-ci est la plus forte des deux et vous l’aurez induite(4).
Soit elle accepte cette proposition, et vous pourrez continuer ainsi :
Je ne connais pas votre système de chauffage, vous seul connaissez votre maison. Ensemble on peut regarder ce qui coince et depuis quand : (Les thermostats sont-ils grippés ? Y a t-il de l’air dans les tuyaux, faudrait-il les purger ? La chaudière a des ratés, c’est le circuit, la pression d’eau, le système informatique qui fait des siennes ? Le niveau du fuel a t-il été vérifié? Y a-t-il une coupure de gaz, d’électricité dans le quartier dont vous n’avez pas été averti?)
A chacun, suivant son passé, sa culture, ses apprentissages, de créer l’image qui lui conviendra le mieux, avec laquelle il se sentira le plus à l’aise.
En se servant de métaphore, vous définirez ainsi un cadre. Les premiers instants d’une rencontre sont les plus importants. Tout le monde le sait. De là naît sympathie ou antipathie envers une personne. Les premiers moments où se crée une relation sont primordiaux et conditionnent toute la suite.
Si la personne trouve qu’il fait bon chez elle, elle se demandera pourquoi elle s’est autant couverte. Elle pourra ainsi s’interroger sur cette habitude prise que rien finalement ne justifie et donc trouver d’elle même ses propres solutions sans avoir recours aux régimes stéréotypés et ses instruments mesureurs « de torture » (calcul calorique, balance, pèse-personne). Mais dans ce cas, les personnes viennent rarement consulter.
Qui ignore que manger vite, n’importe où, n’importe quoi, à n’importe quel moment, avec le moins d’investissement personnel (sans cuisine maison) pour le moins cher possible (exit les fruits et légumes, petit bonjour aux plats et sauces industriels, grosse accolade aux gâteaux, chips, pizzas, sodas) augmente les risques de prendre du poids ?
Peu de gens, en vérité. Savoir pour les autres : oui, pouvoir y remédier pour soi est une autre histoire, tant qu’on a pas pris le soin de s’interroger sur sa propre conduite alimentaire (avec éventuellement la présence d’un œil extérieur) et sur ce qu’on est prêt à faire pour la changer. Quel investissement personnel peut-on y mettre ?
Si la personne est d’accord pour dire qu’il fait froid chez elle, elle comprendra alors que la solution de se couvrir n’en est pas une à long terme, mais qu’en attendant d’en trouver une autre, il est préférable qu’elle ne se découvre pas.
« L’obèse risque de perdre gros » C’est, concrètement, son objectif poids en venant vous voir. Êtes-vous prêt à prendre le risque de « perdre gros » en agissant de la sorte?
Notes :
- Vous pointez tout le paradoxe de ce type d’aide et en même temps vous l’assurez qu’elle trouvera toujours quelqu’un pour répondre à son attente.
- Vous anticipez le risque d’échec en cas de réussite, qui sera peut-être moins douloureux pour elle si elle s’y trouve confronté.
- C’est elle, et elle seule qui sera son propre thérapeute ! La perte de poids ne sera probablement pas à la hauteur de ses espérances. Vous lui laissez une part de son symptôme qu’il ne faut jamais supprimer.
- Avez-vous, en tant que « soignant » l’âme d’un joueur ? Vous risquez de perdre votre client mais il y a des chances pour qu’il revienne par la suite, en acceptant les règles du jeu que vous aurez fixées.
Source : Dr Brigitte Nicolas
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