L’émergence des sociétés "for-profit" dans la sphère de l’aide internationale suscite des inquiétudes dans le secteur humanitaire français. Le point de Best Planet sur un phénomène anglo-saxon déjà bien ancien.
Mais entre "for-profit" et "non-profit", le débat s’apparente à une partie de ping-pong, où les deux clans se contredisent sur les même arguments (performance, coûts, salaires, stratégie de long terme, nombre d’employés du pays d’accueil contre employés expatriés) sans pour autant chercher ouvertement à s'accuser. Dans le même temps, USAID ne semble pas vouloir créer de vagues ni choisir entre les deux. Ainsi, les données publiées par cette agence sont classifiées par projets précis ou zones géographiques et jamais par types de prestataires. Par exemple, en mai 2011, la Commission sur les contrats en temps de guerre en Irak et en Afghanistan analysait la performance des contrats ("for-profit" et "non-profit" inclus) et des subventions dans leur ensemble.Or les choses se compliquent d'autant plus qu’un nombre croissant d’ONG ont recourt aux contrats, qui sont de plus en plus utilisés par les bailleurs de fonds. USAspending.gov estime qu'en 2011 30,79% du budget de USAID était composé de contrats, contre 68,57% de subventions. Mais en 2012, la part des contrats devrait atteindre 50.60% contre 49.40% pour les subventions.Finalement, le secteur du développement est surtout touché par une demande croissante de présentation des comptes et des rapports d'activité qui vient de la part des bailleurs de fonds. Des paramètres d’évaluation et de "reporting" de plus en plus poussés sont mis en place, et touchent de manière uniforme les "for-profit" et les "non-profit". Les pratiques s’entrecroisent: "notre PDG a été un des premiers à mettre en place des pratiques de l’entreprise dans un contexte de non-profit", explique ainsi Jeff Grieco.Une progressive privatisation de l’aide internationaleMais l’existence d’entreprises privées dans le domaine du développement n’est pas un fait nouveau aux Etats-Unis. Les "for-profit" ont depuis longtemps gravité dans le secteur de l’aide internationale, surtout en tant que fournisseurs de services notamment dans les domaines de l’alimentation, des transports ou encore de la communication. Mais pour le Professeur Dirk Salomons, directeur du programme d'affaires humanitaires à la Columbia University, plusieurs éléments expliquent une progressive privatisation de l’aide.Tout d’abord, des changements importants sont advenus au moment de la guerre en Irak et en Afghanistan. "Par définition, l’aide humanitaire ne doit pas suivre de feuille de route politique et se baser sur les besoins. Notre priorité est d'agir là où la souffrance humaine est la plus forte. Or à ce moment-là, on a assisté à une politisation de l’aide, qui est devenue un outil pour gagner les cœurs et les esprits. On utilise les mêmes techniques que l’aide humanitaire, mais la sélection des bénéficiaires se fait sur d’autres critères. La neutralité et l’impartialité sortent du tableau", explique-t-il.C’est ainsi que peu après l’intervention militaire en Afghanistan en 2001, le Secrétaire d’Etat Colin Powell avait appelé les ONG à être une "force multiplicatrice" du gouvernement américain. Ces propos avaient créé une grande controverse dans le secteur et le refus de certaines ONG de suivre cet appel avait ouvert un espace pour le secteur privé au-delà des controversées compagnies de sécurité militaire privées. C’est ainsi que dans le cadre de la Commission sur les contrats en temps de guerre en Irak et en Afghanistan, Betsy Marcotte, vice présidente de DAI, affirmait: "quand DAI exécute un contrat de USAID, on le fait au nom de et dans la direction voulue par USAID. Nous n’hésitons pas à attribuer le travail au Gouvernement américain comme ‘aide fournie par le peuple américain’".