Détendons un peu l’ambiance.
Janvier 2011
Tout va bien dans le meilleur des mondes. Je suis enceinte de quatre mois, ce qui signifie que j’ai plus l’air d’avoir abusé pendant les fêtes que d’attendre un bébé. Je ne peux guère nier plus longtemps l’évidence : MiniPrincesse ne va pas sortir toute seule. Et qui plus est, je suppute que cela va faire mal.
Alors… où vais-je bien pouvoir accoucher ?
Vous vous en doutez, la grande anxieuse que je suis n’a pas attendu le point de non-retour quatre mois pour se pencher sur la question. Echaudée par la fausse couche, je me suis abstenue de demander conseil autour de moi avant d’avoir dépassé la fatidique date des trois mois. Heuresement, Prince, toujours plein de ressources, me suggère de faire appel aux services de conseiller habituel : Internet. Selon mon mari, Internet a réponse à tout. L’affaire du Rainbow Warrior, késaco ? En quelle année Robert Redford a-t-il commencé sa carrière de beau gosse ? Qui donc est Lady Gaga ??
Las. Pour les questions plus délicates, comme « Qui va bien m’aider à pouvoir faire sortir mon bébé ? », Internet est à la peine. Le top des maternités ne m’apprend pas grand-chose – tout au plus, que le taux de césariennes en région parisienne est alarmant, et qu’accoucher sans péridurale est en passe de devenir l’exception. Impossible de trouver un site répertoriant les différentes possibilités qui s’offrent à moi, surtout si l’on ajoute le facteur « expat’ qui nourrit un solide ressentiment contre les services de santé de son pays d’accueil et ne perd pas une occasion de déblatérer à leur sujet ».
Au prix d’un dur labeur (quelques plaisantes heures passées au lit à me faire chouchouter par un Prince aux petits soins), la SuperConsultante maniaque du tableau Excel refait surface, et me voici face à un rutilant récapitulatif :
L’hôpital public français ? Dans la théorie, oui (vive le service public français, Liberté Egalité Fraternité, tout ça), dans la pratique… bof. Sais pas. J’ai peur (d’avoir mal, mais aussi de plein d’autres choses) que l’hôpital public manque de temps pour me tenir la main.
L’hôpital public anglais ? Merci, j’ai déjà donné. Tels que je connais les Anglais, la seule méthode de gestion de la douleur qu’ils proposent est la sempiternelle cup of tea (pas loin : le gaz hilarant).
L’hôpital privé anglais : à 10 000 livres l’accouchement, forceps et chambre non inclus (compter 3 000 à 6 000 livres supplémentaires), ça fait cher le bébé. Et encore, je n’ai pas compté la césarienne en urgence (non offerte par la maison).
L’hôpital privé français : idéologiquement, non (vive le service public français, Liberté Egalité Fraternité, tout ça), dans la pratique… mmh… pourquoi pas ?
Perplexe d’avoir restreint l’horizon des possibles en me fondant uniquement sur de virtuels avis, je décide de faire ce que je fais de mieux : je ne décide pas. Pour l’instant. Je m’inscris, au cas où, entre-huit-et-dix-semaines-d’aménorrhée-et-pas-un-jour-de-plus, à la clinique privée où la plupart de mes connaissances ont accouché.
Entretemps, une de mes camarades de fac, à qui j’ai très rapidement avoué ma grossesse (comme on confesse une grosse bêtise), ne cesse de me chanter les louanges de la sage-femme libérale grâce à qui elle a eu deux accouchements « mer-veil-leux ». Après avoir passé tout le premier trimestre à me boucher (métaphoriquement) les oreilles, force m’est admettre que mon tableau Excel ne m’a pas apporté de réponses très satisfaisantes jusqu’ici.
Je rencontre donc – seule, Prince étant toujours à Londres – la « merveilleuse » sage-femme. Elle m’explique doctement le principe de l’accompagnement global : mot savant pour dire que la personne qui vous aide à mettre au monde votre enfant n’est pas un inconnu mais quelqu’un qui vous a suivie toute la grossesse. Je ne sais pas si je veux un accouchement « mer-veil-leux », mais je veux bien savoir qui sera à mes côtés le jour J – chose étonnamment peu répandue. Et tant qu’à faire, je veux bien aussi accoucher dans la position qui me chante, et pas sur le dos juste parce que c’est plus confortable pour le gynéco (NB : encore une exception française…)., et faudrait pas qu’il se foule trop, parce qu’après il a golf (OK, j’arrête là la mauvaise foi).
La mauvaise nouvelle, c’est que sage-femme merveilleuse n°1 n’est pas disponible durant l’été 2011. La bonne nouvelle, c’est qu’elle fait partie d’un groupe de neuf sages-femmes apparemment toutes plus merveilleuses les unes que les autres : le Groupe Naissances. Prince se laisse gentiment réveiller aux aurores un samedi matin de visite parisienne (ce que femme veut, Dieu le veut) pour rencontrer sage-femme merveilleuse n°2. Nous arrivons tous deux plus que méfiants quant à l’ « accouchement physiologique » évoqué lors de la première rencontre. Et le gynéco, il est où, dans l’affaire ? Et l’hôpital ? Et la péri ? « Pourquoi donc veux-tu d’un accouchement New Age ? » me lance même Prince – sous-entendu « Ma femme ne va pas accoucher comme une hippie, je suis banquier à la City, moi ! ».
Ironiquement, nous ressortons de l’entretien entièrement rassurés sur la prise en charge médicale… et absolument convaincus que sage-femme merveilleuse n°2 nous est aussi antipathique à l’un qu’à l’autre.
La troisième fois – sage-femme merveilleuse n°3, pour ceux qui suivent – est la bonne. Rassurante, compétente, à l’écoute, bref : la perle. C’est donc parti pour un accouchement global, physiologique et tout le touintoin. Stupéfaite de sortir des sentiers battus (mon choix est celui de moins de 1% des femmes françaises), je parviens tout juste à ne pas me laisser perturber par les réactions de mon entourage. Morceaux choisis :
Ma mère : « Quoi, ce n’est pas un gynéco qui va t’accoucher ? Mais tu as perdu la tête, ma fille ! Nous ne sommes plus au Moyen Age, tout de même ! »
Mes amies : « Tu attends un bébé ? Félicitations, c’est génial (pour celles qui n’ont pas d’enfant) / Félicitations, tu vas voir, on en bave mais ça vaut le coup (je crois) (pour celles qui en ont). Et tu accouches où ? Avec quoi ? Une sage-femme, mais dans un hôpital ? Ah… euh… très bien ?! »
Prince / mon père / les hommes : « … ».
PS : public / privé ? Pays d’origine, pays d’adoption ? Où avez-vous accouché (pour celles qui ont vécu ce « jour merveilleux » ?) Où vous voyez-vous le faire (pour les autres) ?