Jardin botanique de Montréal
Le Jardin des Premières Nations
Un outil de rapprochement
Normand Charest – Chronique Valeurs de société
Pourtant, il n’est pas spectaculaire. Contrairement au Jardin chinois, par exemple, qui est plein de bâtiments d’allure ancienne et exotique, d’éléments architecturaux et de grandes masses de plantes cultivées, qui demandent beaucoup d’entretien.
Le jardin dédié aux autochtones de chez nous est tout autre. À première vue, pour certains, il n’a pas du tout l’air d’un jardin. Plutôt qu’une seule grande entrée triomphale, il en compte plusieurs, chacune d’elle discrète et passant facilement inaperçue.
Si on n’y porte pas attention, ce jardin peut ressembler à n’importe quel boisé. Et à bien y penser, c’est peut-être là le but ? Celui de nous ralentir un peu, puis de nous rapprocher de l’essentiel. C’est-à-dire du naturel, dans le sens d’authenticité.
J’aime beaucoup ce coin de nature, retrouvé en ville. Le pavillon lui-même est neutre et pas du tout voyant. On a évité le rustique et la pacotille. On n’y trouvera pas d’« Indien » à plumes. L’essentiel se trouve ailleurs. Dans la nature, bien sûr…L’accueil des jeunes autochtones
Mais par-dessus tout, selon moi, dans l’accueil chaleureux des animateurs : toujours de jeunes Autochtones. Je m’y rends chaque année et chaque fois, je suis frappé par leur accueil patient et enthousiaste, par leur disponibilité et leur douceur.
Je ne sais pas comment on les recrute, comment on les forme. Ou si ces qualités sont tout simplement propres aux Autochtones. Mais en tout cas, il faut souligner cette réussite !
D’ailleurs, on ne parle pas assez souvent de cette douceur, me semble-t-il, et de cet accueil.
Un jardin symbolique
Le Jardin des Premières Nations est parcouru de petits sentiers. Sous les grands arbres matures, on a planté des végétaux indigènes. Et tout y reprend graduellement un air sauvage. Sauf pour les plaquettes identifiant les plantes, qui nous rappellent que nous sommes dans un jardin botanique, et qui jouent leur rôle éducatif.On voit des pierres gravées au sol, des aménagements discrets çà et là. Une grande tente de toile, des poteaux de tipi, une hutte de sudation, une palissade…
Les régions du Québec y sont symboliquement représentées. La forêt décidue (comme elle l’est dans la région de Montréal et tout le sud du Québec), la forêt de conifères plus au nord, et puis un tout petit échantillon de toundra.
Le grand étang nous offre la présence de l’eau. Avec les oiseaux, les tortues, les moules d’eau douce et probablement des ratons-laveurs. Puis de grandes étendues de nénuphars en fleurs en été. Et on imagine facilement l’orignal qui y plonge.
Sa vraie richesse
Tout cela est bien beau, pour celui qui prend la peine de s’y arrêter, dans le silence et la discrétion. Dans l’humilité même de ce jardin, à l’image des peuples qu’il représente.
Mais sa plus grande richesse, selon moi, repose dans le travail de ses jeunes animateurs. C’est là, peut-être, que se trouve le concept le plus original et réussi de ce jardin.
Dans l’ancienne approche amérindienne, l’homme est le frère des animaux. Et celui des plantes, et des éléments. Il en est indissociable. Et c’est lui qui nous guide ici, dans ce jardin des Premières Nations, dont le rôle est à la fois éducatif et social.
En effet, ce lieu de rencontre peut aider au rapprochement des citoyens des deux groupes, les plus anciens et les plus récents. Cette relation commence par le dialogue et par l’écoute de l’autre.
Les nombreuses activités éducatives, offertes aux groupes scolaires, favorisent ce rapprochement. De cette manière, on laisse un héritage utile aux plus jeunes. Mais le rapprochement se fait aussi par les discussions chaleureuses entre les visiteurs et les jeunes animateurs autochtones.
Pourquoi le dernier ?
Cependant, malgré cette atmosphère harmonieuse et paisible, une question m’intrigue. Pourquoi ce jardin a-t-il été l’un des derniers à être aménagé, seulement en 2001, c’est-à-dire 70 ans après la fondation du Jardin botanique de Montréal en 1931 ?
Après les jardins d’inspiration européenne, japonaise, chinoise… Un des derniers, alors qu’il aurait dû être le premier, puisqu’il est consacré aux Premières Nations de ce pays ? Un signe des temps et du changement des mentalités ? Sinon chez tous, du moins dans une bonne partie de la population ?