[AVANT-PREMIERE]
On aime bien Ang Lee, mais ce n’est pas sur le terrain du divertissement qu’il est à son meilleur, comme en témoigne une filmographie inégale, entre un Hulk faiblard, et des drames poignants (Brokeback Mountain, Lust caution). Pour son premier essai en 3D, et à l’époque où les plus grands retrouvent leurs âmes d’enfants (Spielberg et son Tintin, Scorcese et son Hugo), le cinéaste taïwanais a choisi d’adapter le roman du canadien Yann Martel : L’Histoire de Pi, qui retrace les aventures et déboires en mer d’un jeune adolescent indien et orphelin, coincé avec un tigre de Bengale, sur un canot en pleine mer. Une volonté d’allier la complexité des nouvelles technologies (il avoue lui-même les difficultés rencontrées sur le tournage) et de retourner à davantage de simplicité (narrative notamment). Son film tout entier est une ode au merveilleux et à l’innocence : on y croise des dauphins, des zèbres, des poissons-volants, des lémuriens et des bons sentiments en veux-tu en voilà, pureté des enfants versus cynisme des adultes, récit fantastico-féérique qui refuse en bloc toute seconde lecture, second degré, infiltration du drame- et ce, malgré l’âpreté ou la profondeur des thématiques abordées (la part de bestialité inhérente à l’homme, le passage de l’enfance à l’âge adulte).
Ang Lee, malin, a déjà anticipé les critiques des vilains cyniques (contenu du livre à l'appui) : son film s’adresse exclusivement à tous ceux capables de garder une (pure) âme d’enfants, de voir le merveilleux dans le pire, de toujours garder la foi (l’ado est un adepte de nombreuses religions). Les autres ? Ils peuvent bien aller voir ailleurs tant son Odyssée déploie les grands moyens d’Hollywood : violons à tout va, catalogue animalier, sentiers balisés et confortables. Le parfait contraire du Hugo Cabret de Scorcese qui trouvait le juste équilibre entre pur divertissement et hommage au cinéma. Life of Pi est définitivement une oeuvre pour enfants (et grands enfants) qui ne désire rien de plus qu’entraîner le spectateur dans son univers fabuleux. Visuellement, la 3D est belle et réserve quelques séquences agréables à l’œil ; pour le reste, c’est le naufrage : on est plongés en plein Seul au monde (de Zemeckis) pour les dix-douze ans, avec interdiction formelle de critiquer ce que l’on voit de nos hauteurs d’adultes blasés. Vous voilà prévenus.
Sortie: 19 décembre 2012.