Délices d’Initiés par Patrick Faus
Dictionnaire rock, historique et politique de la gastronomie
Emmanuel Rubin, journaliste gastronomique, a choisi le dictionnaire pour exprimer ses humeurs, appétits et autres indigestions sur la gastronomie plus actuelle qu’historique. C’est normal, il se veut désespérément un homme de son époque, pensant même de temps en temps et dans le noir de ses fantasmes, l’influencer quelque peu.
On y retrouve les tartes à la crème du moment : Michelin pas bien et vieux (Ah ! vieux quel horreur). Curieux comme chaque nouvelle génération de fooders se pose en s’opposant au Michelin. Gault&Millau avait bien compris le truc et a fait fortune avec ce gimmick. Sinon, on se persuade qu’il se passe plein de choses dans le monde de la gastronomie et de la gastronomie dans le monde. On oublie qu’à l’époque de la Nouvelle Cuisine les chefs étaient partout (Télé, une des magazines, radios..) et que la France ne parlait que de ça… comme depuis toujours. La différence est qu’aujourd’hui, l’ouverture du moindre bistrot ou dinette fait figure de révolution culturelle (À Paris pour le moins). Mais culture y a t-il encore ? Gastronomique et culinaire j’entends.
Heureusement, il y a le style Rubin, manieur de mots et donc de langue
C’est vrai que lorsqu’on parle terroir en France on est forcément « recroquevillé » alors qu’en Italie ou en Chine où la cuisine est la même depuis 4 000 ans c’est magnifique. Si le français parle de cuisine française, il est à l’évidence chauvin et « dressé sur ses ergots » tandis que le japonais, l’espagnol ou le marocain est forcément ouvert au monde.
Heureusement il y a le style Rubin, manieur de mots et donc de langue même s’il se regarde parfois écrire. Nobody’s perfect. Plaisant, distrayant, (Rock ? je ne vois pas..), intelligent, percutant et persifleur, la forme est délicieuse même si sur le fond on ne sait toujours pas ce qu’il défend (Omnivore est « vendu », le fooding ne veut rien dire), ce qu’il épouse, avec qui il flirte. Il faut dire qu’il y a du boulot pour les fashion victimes de la gastronomie car il en arrive tous les jours : le bio, déjà récupéré par les GMS, les vins nature, il faut se forcer un peu pour les boire.., la cuisine aux produits d’Amazonie forcément géniale, le retour du hamburger…. Il faut tout avaler de peur d’être dépassé. « Puisque ces mystères me dépassent feignons d’en être l’organisateur. » Bien vu, Rubin !
Par Emmanuel Rubin
Avec Aymeric Mantoux
384 pages environ
Editions Don Quichotte
Prix : 19,90 €