La Commission des affaires économiques du Sénat a adopté les mesures de simplification de l'éolien votées par l'Assemblée nationale dans le cadre de l'examen de la proposition de loi Brottes sur "la transition vers un système énergétique sobre". Elle a aussi adopté un amendement assez étrange, proposé par le sénateur Roland Courteau, qui ne va pas simplifier le cadre juridique actuel.
Pour mémoire, le sénateur Roland Courteau avait déposé, en juillet dernier, une proposition de loi tendant à simplifier le régime juridique de l'éolien.
Au cours des travaux de la commission des affaires économiques du Sénat, M Courteau a déposé et fait adopter, ce 16 octobre, un amendement ainsi rédigé :
"AMENDEMENT
présenté par
Adopté
M. COURTEAU, rapporteur
ARTICLE ADDITIONNEL AVANT ARTICLE 12 BIS
Cet article est ainsi rédigé :
« Le cinquième alinéa de l’article L. 553-1 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée :
L’autorisation d’exploiter tient compte des parties du territoire régional favorables au développement de l'énergie éolienne définies par le schéma régional éolien mentionné au 3° du I de l’article L.222-1 du code de l’environnement. »
Objet
Actuellement, les ZDE contribuent à donner aux orientations définies par les documents régionaux de l’éolien une certaine force. En effet, les ZDE doivent respecter les zones favorables définies par les schémas régionaux et les porteurs de projet doivent, à leur tour, respecter la délimitation opérée par les ZDE s’ils veulent bénéficier de l’obligation de rachat. Or, la suppression des ZDE, en brisant la chaîne qui va des schémas régionaux de l’éolien aux projets d’implantation, risque de priver ces schémas régionaux d’une partie de leur force.
Cet amendement oblige donc les décisions d’exploiter qui sont délivrées dans le cadre des procédures ICPE à tenir compte des zones favorables définies par les schémas régionaux de l’éolien. De cette manière, les schémas régionaux de l’éolien deviennent des documents de référence dans l’instruction des autorisations ICPE. Le préfet pourra s’appuyer dessus pour justifier ses décisions d’autorisation ou de refus. En même temps, il pourra s’en écarter s’il estime que tel ou tel projet d’implantation, bien que ne correspondant pas au zonage du schéma, présente néanmoins un réel intérêt qui justifie qu’il soit autorisé".
Cet amendement répond à un vide laissé par la suppression des ZDE : la portée de la planification territoriale du développement de l'éolien par les schémas régionaux du climat de l'air et de l'énergie était nécessairement amoindrie dés lors que les SRCAE renvoient aux ZDE pour ce faire. Faute de ZDE, ledit renvoi devenait inutile.
Pour éviter un assouplissement trop important du zonage de l'éolien, le sénateur Courteau a donc proposé de modifier... la police des ICPE.
Un choix bien étrange mais qui fait écho aux prises de position des opposants à l'éolien lors des débats préalables au vote de la loi "Grenelle 2 du 12 juillet 2010. Pour ces derniers, la soumission des éoliennes aux règles applicables aux ICPE devait permettre de lutter contre le "mitage" du territoire. Un argument largement repris et répété et pourtant totalement irrecevable : la police des ICPE n'a nullement pour objet l'aménagement du territoire - lequel relève notamment du code de l'urbanisme - mais a pour vocation de prévenir le risque machine.
Or, la police des ICPE est de nouveau employée pour assurer le zonage de l'éolien : l'amendement sur proposition du Sénateur Courteau précise en effet
"L’autorisation d’exploiter tient compte des parties du territoire régional favorables au développement de l'énergie éolienne définies par le schéma régional éolien mentionné au 3° du I de l’article L.222-1 du code de l’environnement."
En premier lieu, cet amendement permet tout d'abord de confirmer le classement ICPE des éoliennes. Sur ce point la majorité actuelle confirme donc intégralement le choix de la précédente d'adopter une réforme qui est pourtant contraire à l'objectif de développement de l'éolien.
En second lieu, cet amendement, qui sera sans doute adopté en séance début novembre va renforcer la contrainte pesant ainsi sur l'éolien. Concrètement, le Préfet, saisi d'une demande d'autorisation d'exploiter ICPE, devra vérifier que celle-ci est conforme aux dispostions du SRCAE applicable. Outre le fait qu'il est étrange d'assigner ainsi à la police des ICPE une fonction qui n'est normalement pas la sienne, que se passera-t-il en l'absence de SRCAE ? Car, pour l'heure, la plupart des SRACE n'ont pas été adoptés et ceux qui l'ont été sont l'objet de recours. Dans l'hypothèse où le volet éolien du SRCAE devait être jugé ou déclaré illégal, cela aurait-il une incidence sur la légalité de l'autorisation ICPE ? Autre question : le zonage réalisé dans le cadre du SRCAE n'avait pas vocation être très précis : comment sera alors menée l'opération de vérification de la conformité de l'autorisation ICPE avec le SRCAE ?
Le risque de vives discussions n'est pas à écarter.