Le bref communiqué de
François Hollande dans lequel, au nom de la République, il reconnaît « avec
lucidité » la répression « sanglante » de la
manifestation d'Algériens à Paris le 17 octobre 1961, a provoqué pléthore de
réactions souvent indignées.
La
Droite s’est tout particulièrement élevée contre ce qu’elle qualifie d’acte
de repentance. Même François Fillon pourtant d’ordinaire mesuré, parle de
« discours de culpabilité ».
Pourtant, on ne peut pas accuser François Hollande d’en avoir trop fait. Son
communiqué tient en 3 petites phrases et en 42 mots. 42 mots pour enfin
dire une vérité sur des faits qui ont conduit à des dizaines de morts et qu’on
a cachés d’un voile pudique pendant plus de 5O ans, ne me semblent pas de trop.
D’autant que les termes utilisés, quoique sans ambigüités ni faux semblants, ne
font en rien ressembler ce communiqué à un acte de contrition.
On est loin d’un acte de repentance consistant à revenir sur un évènement
généralement tragique de son histoire et à aller à travers ses plus hauts
représentants, s’agenouiller en chemise de nuit blanche et avec une corde au
cou devant les victimes ou plus généralement devant leurs
descendants.
Ce type de repentance aurait effectivement été mal venu de la part d’un
président de la république.
L’histoire de France et celle d’ailleurs, d’ailleurs, est malheureusement
truffée d’événements tragiques au cours desquels le pouvoir dominant de
l’époque à d’une manière ou d’une autre commis au nom de la nation ou du pays,
des actes parfaitement inadmissibles, du moins de notre point de vue.
Toutes les minorités d’aujourd’hui et celles d’hier (et ça fait du monde) on
quelque chose à reprocher au pouvoir central. La république ne peut pas
s’incliner devant toutes celles qui a un moment ou un autre de leur histoire
ont été maltraitées et qui demanderaient un pardon public voire des
réparations. Ce serait affaiblir la conscience nationale.
Et puis, on ne peut demander à personne de se considérer comme responsables
des agissements de ses ancêtres. Demander aux lointains descendants des fautifs
d’engager la république dans un mea culpa collectif n’a pas de sens.
Mais reconnaitre que la république a fauté ce n’est pas nécessairement faire
acte de repentance.
Lorsqu’il est prouvé que des événements ont eu lieu, ce qui est le cas pour
ceux dont nous parlons, ils ne doivent être ni niés, ni minimisés. Il en va de
l’honneur de la République que de reconnaitre ses fautes. Surtout lorsqu’elles
sont récentes à l’échelle de son histoire.
Il ne s’agit pas d’accabler les responsables de l’époque, il est trop facile
de le faire 50 ans après, dans un contexte et des circonstances complètements
différents. Et ce n’est pas ce qu’à fait François Hollande.
Dans le cas du 17 octobre 1961, la police républicaine, et à travers elle la
République, a commis des crimes. Ces crimes la république française les a niés
ou presque pendant des décennies. A l’ignominie d’un massacre, elle a ajouté
celle de la négation.
Christian Jacob, en considérant qu’il est « intolérable de mettre
en cause la police républicaine et avec elle la République toute
entière » justifie cette négation ce qui est particulièrement
inadmissible de la part d’un élu de cette même république.
En croyant la servir, Jacob fait de la République un monstre froid et
immoral. Qui aurait envie d’honorer et de respecter un monstre froid et immoral
?
Pour être respectée, la police républicaine, comme tous les corps
représentants de l’autorité de l’Etat, se doit d’être irréprochable. Et
lorsqu’elle ne l’est pas, comme ça arrive immanquablement, il est important
qu’elle le reconnaisse. Ceci est valable pour un tabassage dans un commissariat
et à plus forte raison pour la répression sanglante d’une manifestation
pacifique. Et ce, quelles que soient ce que l’on peut penser des motivations
politiques des manifestants.
Si elle veut inspirer confiance, la République doit savoir admettre qu'elle est faillible mais également qu’elle sait reconnaitre ses erreurs.